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L'éducation aux droits de l'homme et Reperes, un bref guide à l'usage des praticiens > L'utilisation de REPERES à travers l'Europe

L'utilisation de REPERES à travers l'Europe

Qu'est-ce que l'Europe et que recouvre-t-elle géographiquement?

Les historiens nous rappellent qu'à l'origine, dans la Grèce antique, le concept d'«Europe» recouvrait probablement ce que nous appelons aujourd'hui les Balkans. Aujourd'hui, l'Europe est une zone beaucoup plus importante; mais elle n'en est pas pour autant plus facile à définir. L'Europe politique consiste dans un immense territoire de plus de dix millions de kilomètres carrés qui s'étend jusqu'à l'Asie. Sur le plan climatique, le continent européen va du subtropical dans certaines régions du Sud au polaire dans les parties nordiques. L'Europe abrite plus de 200 langues vivantes, et des locuteurs d'un nombre d'idiomes encore bien supérieur. Elle englobe une cinquantaine d'Etats dont la population totale approche les 800 millions de personnes.

Toutes les grandes religions sont également représentées à l'intérieur des frontières européennes. L'Europe est associée à la naissance de la démocratie, mais aussi aux pires formes de fascisme et de totalitarisme que le monde ait jamais connues. Le passé de l'Europe est marqué par l'Holocauste, le colonialisme et l'esclavage et, à l'heure actuelle, ce continent abrite suffisamment d'armes nucléaires pour effacer toute vie de la surface de la planète. Mais l'Europe est également le cadre annuel de la remise du Prix Nobel de la Paix; elle a créé une Cour permanente des droits de l'homme qui fait l'admiration du monde entier.

Les pays européens

Aujourd'hui, on compte parmi les Etats européens des nations vieilles de moins de dix ans et des pays dont les frontières ont à peine changé depuis plusieurs siècles. Certains pays évoluent encore, du fait de conflits qui remettent en question leurs frontières. Ainsi, certains peuples européens subissent des violences et des affrontements quotidiens, tandis que, sur ce même continent, beaucoup d'autres peuples connaissent la paix, la sécurité et souvent même la prospérité.

Qu'est-ce qui fait qu'un pays puisse être qualifié d'européen?

Dans tous les pays européens, il y a des millionnaires et des milliardaires, mais aussi des millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. La diversité est une constante d'une part au sein de chaque pays européen, et d'autre part entre les nations de ce continent. On peut être professeur dans une certaine partie de l'Europe et percevoir en un jour un salaire plus important que le revenu mensuel d'autres enseignants dans d'autres régions de l'Europe. Dans telle autre région encore, un enseignant ne sera peut-être pas du tout payé pendant plusieurs mois d'affilée.

L'Europe est, en vérité, un espace des plus divers.

Une Europe? Deux Europe...?

Peut-on dire, pour simplifier, qu'il y a une Europe occidentale et une Europe orientale? Une Europe du Nord et une Europe du Sud? Ou les quatre à la fois? Et que dire de l'Europe centrale? Peut-on diviser le continent en une Europe chrétienne d'une part, et une Europe musulmane, de l'autre?

Ou encore, y a-t-il une Europe riche et une Europe pauvre?… Une Europe pacifique et une Europe déchirée par la guerre?… Une Europe qui a accédé à la démocratie, et une autre, ravagée par le totalitarisme?… Une Europe de gauche, et une Europe de droite, une Europe américanisée et une Europe «soviétisée» ?

A quelle «partie» de l'Europe appartenez-vous? Etes-vous caractéristique de la région en question?

Si l'un ou l'autre des ensembles définis ci-dessus est pertinent - ou tout au moins utile à identifier les besoins propres aux différentes populations situées d'un côté ou de l'autre des frontières de chaque ensemble -, tentez de voir si certains des groupes énumérés ci-après correspondent à ces ensembles plus généraux. Les besoins propres à chacun de ces groupes sont-ils conformes aux besoins types du pays en général ou de la région d'Europe concernée?

  • Des hommes d'affaires des Balkans.
  • Des communautés bengalis des quartiers Est de Londres.
  • Les populations sujettes à des violences terroristes au Pays basque ou en Irlande du Nord.
  • Des agriculteurs dépendants du climat, en Espagne, en Italie, en Roumanie ou encore en Géorgie.
  • Des Roms de Hongrie, de Slovaquie, de Grèce ou de France.
  • Des islamophobes ou des antisémites allemands, russes, lituaniens, scandinaves, polonais ou originaires de tout autre pays européen.
  • Des communautés de pêcheurs d'Ecosse, de Norvège, de Croatie ou d'Estonie.
  • Des travailleurs immigrés, en Belgique ou en Finlande.
  • Des réfugiés et des demandeurs d'asile en Ukraine ou en Pologne.
  • Des musulmans, des hommes politiques, des militants des droits de l'homme, des enseignants, des animateurs de groupes de jeunes, des personnes de petite taille, des chauves, des mères ou encore des femmes sans enfants.

Ces catégories montrent bien qu'aucun des ensembles définis ci-dessus n'est clairement délimité ou approprié pour pouvoir rendre compte de la multiplicité de chaque pays européen, de chaque collectivité et, a fortiori, de chaque personne. Il est des besoins communs à toute l'Europe, mais aussi des besoins différents à l'intérieur de chaque collectivité restreinte, dans chaque pays d'Europe. L'Europe, et chacun des pays qui la composent, sont en eux-mêmes des microcosmes, faits d'une grande diversité sociale et culturelle.

Un manuel pour l'Europe?

«…ils sont d'abord venus chercher les communistes; je n'ai rien dit parce que je n'étais pas communiste. Puis ils ont pris les Juifs; je n'ai rien dit parce que je n'étais pas juif. Ensuite, ils sont venus chercher certains ouvriers syndicalistes; personnellement, je n'étais pas membre d'un syndicat. Ils sont revenus, pour prendre les catholiques; je n'ai toujours rien dit, parce que j'étais protestant. Enfin, ils sont venus me prendre… et il ne restait plus personne pour élever la voix.»

Le Pasteur Martin Niemoller

Dès lors, pourquoi écrire un manuel pour l'ensemble de l'Europe? Peut-il suffire à répondre à l'ensemble des besoins des divers peuples d'un continent aussi riche et aussi mêlé?

La présente section de l'ouvrage propose quelques réponses à ces questions, ainsi que des modes d'approche des difficultés que les auteurs ont rencontrées. Le manuel veut également illustrer notre conviction que ce type de travail était non seulement réaliste, mais aussi tout à fait nécessaire. Après tout, la culture européenne est non seulement très diverse mais aussi, à maints égards, commune à l'ensemble du continent. L'identification des points communs - qui éclaire aussi nos différences - importe tout autant que la sauvegarde de nos identités très distinctes.

Avez-vous été en relation avec d'autres groupes de jeunes dans d'autres parties de l'Europe? Qu'est-ce que votre groupe avait en commun avec les autres?

Les droits de l'homme, facteur commun

Le concept des droits de l'homme est, sur le plan historique comme idéologique, à l'origine de la fondation du Conseil de l'Europe. Il fait précisément partie de ces points communs qui relient les différentes parties du continent européen. Certes, les droits de l'homme ne sont pas une exclusivité européenne mais, à ce jour, ils sont certainement l'un des facteurs majeurs d'unité et d'unification du continent - et ils le seront de plus en plus avec l'élargissement du Conseil de l'Europe.

Chaque Etat ayant officiellement adhéré au Conseil s'est engagé à respecter les libertés et les droits fondamentaux inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales. Cela signifie que les droits et libertés de chaque citoyen des différents Etats européens sont, au moins dans une certaine mesure, protégés par l'ensemble de la communauté européenne.

Une injustice quelque part, c'est une menace pour la justice partout dans le monde.

Martin Luther King

Cependant, malgré l'existence et l'action de la Cour européenne des Droits de l'Homme, la protection des droits individuels ne peut être réelle et concrète que si chacun contribue de manière active au respect de ces droits. Par conséquent, le citoyen doit avoir connaissance des droits de l'homme; il doit être en mesure de les défendre en cas de violation et de les respecter lui-même dans la vie quotidienne. C'est là, précisément, la mission de l'éducation - mission qui incombe à l'Europe dans son ensemble.

Des citoyens du monde

Savoir comment défendre et protéger nos droits personnels est important mais pas suffisant. Les auteurs du présent manuel partent du principe que les droits de l'homme sont un problème mondial et que, en tant que citoyens du monde, les jeunes Européens doivent en avoir conscience afin que ces droits soient respectés non seulement dans leur propre environnement mais aussi dans le reste du monde.

Il est évident que chaque pays européen a le devoir d'améliorer la protection des droits de ses citoyens. Et il n'est pas un seul pays qui puisse se vanter d'être totalement «blanc» en matière de non-respect des droits de l'homme. Mais, fondamentalement, l'éducation aux droits de l'homme concerne non seulement nos droits, mais aussi ceux des autres. C'est pourquoi, tout en s'attachant d'abord à sensibiliser les jeunes Européens à ces problèmes, afin de leur permettre d'améliorer leur environnement immédiat en la matière, le présent manuel s'est également donné pour objectif d'encourager ces jeunes à s'intéresser à la question des droits de l'homme à l'échelle mondiale, et à analyser notamment l'impact éventuel de leur comportement en la matière.

Dans le monde entier, et tout particulièrement sur le continent européen, les jeunes se sont toujours généreusement consacrés à la cause des droits de l'homme et de l'éducation dans ce domaine. Dans les périodes de fascisme et de totalitarisme, les jeunes et notamment les étudiants ont souvent été à l'avant-garde des manifestations et des actions de lutte contre l'oppression et la répression; et les organisations et associations de jeunesse ont toujours joué un rôle essentiel dans le rapprochement de l'ensemble des jeunes Européens, et dans la défense de leurs droits. Les organisations internationales non gouvernementales de jeunesse ont souvent contribué à tisser des liens et à instaurer une véritable solidarité entre tous les jeunes, en Europe et ailleurs. Une telle approche est fondée sur les idéaux de solidarité, de coopération, de paix et de respect des droits de l'homme.

Il est temps d'élargir cette expérience et ce travail à l'ensemble des jeunes Européens et de sensibiliser chacun au problème des droits de l'homme, aussi bien sur notre continent que dans le reste du monde.

Nous devons œuvrer à une meilleure compréhension de notre contribution à la protection des droits de tous les citoyens du monde. C'est là, également, un défi que l'Europe doit relever.

Un rêve européen

Nul ne souhaite que les différents pays et cultures d'Europe perdent leur identité propre. Cela étant, en concevant le présent manuel, l'une de nos motivations a été qu'aucune culture européenne - ou même, en l'occurrence, mondiale - ne peut être hostile à l'épanouissement de la culture des droits de l'homme, ou atteinte de manière négative par un tel développement. En réalité, les valeurs liées aux droits de l'homme sont présentes dans tous les pays et cette «culture» ne demande qu'à être renforcée, afin que chacun puisse apporter une contribution positive à ce combat.

Nous avons également formé un autre espoir. Nous avons espéré que ces intérêts et ces efforts communs puissent contribuer au rapprochement de tous les jeunes Européens, les aider à se considérer d'égal à égal, à partager des réalités communes et la responsabilité de l'avenir de notre continent. Ainsi, peut-être la Sibérie pourra-t-elle se joindre au Portugal pour défendre les droits de la femme; peut-être les jeunesses d'Albanie et du Luxembourg pourront-elles créer un site Internet commun afin d'attirer l'attention du monde entier sur le travail des enfants; ou peut-être encore les écoles de Malte et du Danemark pourront-elles organiser ensemble et simultanément des manifestations de rue afin de mettre en lumière les mauvais traitements infligés à l'école, dans différents pays.

«La persévérance est plus forte que la violence; bon nombre d'éléments que l'on n'arrive pas à surmonter s'ils sont pris en bloc vont plus facilement céder si on les traite un par un.»

Plutarque

Les jeunes se préoccupent de tous ces problèmes et peuvent mener le combat. Ils peuvent ainsi donner tort à tous ceux qui leur reprochent leur individualisme ou leur apathie - ce que l'on a toujours reproché à toutes les générations, depuis des siècles. La jeunesse d'aujourd'hui peut également contrer toux ceux qui affirment qu'il n'y aurait pas d'alternative aux solutions actuelles; en un mot, les jeunes peuvent donner un nouvel élan au combat pacifique des droits de l'homme, à l'échelle planétaire. En d'autres termes également, les jeunes ne sont pas seulement le groupe-cible de ce manuel: ils sont notre principal espoir et notre principale richesse.

Le travail de jeunesse et la représentation des jeunes

Bien que les activités suggérées dans le présent ouvrage aient été conçues pour pouvoir s'adapter aux structures éducatives formelles, l'objectif essentiel des auteurs était de proposer un manuel utilisable avant tout par les animateurs de groupes de jeunes, à l'extérieur du système éducatif formel. Mais il est évident que ce type de travail varie considérablement, dans sa nature et dans sa portée, d'un pays à l'autre. Cependant, en proposant différents types de méthodes et différents thèmes à aborder, nous avons voulu avant tout répondre aux besoins divers des groupes et associations de jeunesse pouvant exister dans chaque pays européen. La gamme des activités suggérée par le manuel devrait être pertinente et utile aussi bien pour les clubs extra-scolaires, les groupes de scouts, les groupes de jeunes d'action paroissiale, les clubs universitaires, les groupes de défense des droits de l'homme et les clubs d'échange, que pour tous ceux qui opèrent dans des cadres plus formels.

En ce qui concerne le travail de jeunesse, l'objectif essentiel est l'épanouissement individuel et social des jeunes gens concernés. Aussi les activités proposées dans ce manuel sont-elles peut-être plus axées sur cette dimension que sur la mission traditionnelle de l'éducation, c'est-à-dire l'acquisition d'un savoir. Dans la conception même de ces activités, il importait de veiller à susciter concrètement l'intérêt des jeunes et d'avoir recours à un apprentissage par expérience directe des problèmes, afin d'éveiller un sentiment véritablement affectif vis-à-vis du concept de respect des droits de l'homme, notamment chez les jeunes relativement moins sensibles à ces questions dans le cadre éducatif classique.

Avez-vous recours à l'apprentissage expérientel?

Dans les structures et institutions éducatives où l'enseignement est davantage orienté vers l'accumulation de connaissances que vers l'expérience concrète ou l'acquisition de compétences pratiques, l'approche dont nous voulons parler ici est peut-être moins connue. C'est la raison pour laquelle, dans le Chapitre intitulé «Repères, Mode d'emploi» , nous proposons des bases utiles et une information fondamentale sur l'optique choisie. C'était, nous semble-t-il, une nécessité importante afin de s'assurer que le manuel serait accessible non seulement aux jeunes Européens, mais aussi aux enseignants, aux médiateurs et aux animateurs de groupes peut-être moins au fait de certaines méthodes.

Nous espérons en toute modestie que le présent ouvrage pourra établir des passerelles méthodologiques entre l'éducation formelle et non-formelle. Que le cadre soit formel ou non, il est essentiel de faire participer les jeunes auxquels on s'adresse - notamment dans ce domaine des droits de l'homme, où l'engagement et la participation active sont un facteur primordial. Du fait de ce caractère participatif, chaque activité proposée par le manuel vise à sensibiliser les jeunes, de manière intéressante et attrayante, au problème général des droits de l'homme, dans quelque environnement que ce soit.

De quelle manière faites-vous participer les jeunes aux activités que vous avez conçues à leur intention?

«Les jeunes ne sont pas seulement l'avenir… ils sont aussi le présent.»

Déclaration faite par des enfants et jeunes gens lors de la consultation de l'Europe et de l'Asie centrale dans le cadre de la Session extraordinaire des Nations Unies consacrée aux droits de l'enfant

Budapest, 2001

Un autre axe choisi était de permettre aux jeunes d'apporter leur contribution personnelle et positive aux problèmes qui les concernent. C'est la raison pour laquelle une des parties du présent ouvrage s'intitule «Agir» . A cet égard, il faut noter que la plupart des suggestions faites dans cette partie spécifique du manuel ne se limitent en aucune manière au «militantisme» des droits de l'homme; en effet, il s'agit pour la plupart d'activités traditionnelles du type de celles menées par les groupes de jeunes dans des domaines autres que celui des droits de l'homme. C'est, en fait, le type d'activités qui a toujours directement intéressé les jeunes.

La Convention relative aux droits de l'enfant

Tous les pays européens ont signé et ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et se sont donc engagés à la respecter et à rendre compte régulièrement du travail accompli dans le sens du respect intégral des droits de l'enfant. Le présent manuel répond aux principes de cette convention, en partie du fait de la tranche d'âge du groupe-cible de l'ouvrage - même si ce manuel s'adresse également à des jeunes de plus de 18 ans (ce qui constitue la limite d'âge supérieure des jeunes dont traite la Convention).

Cependant, il faut dire également un mot de l'écho que peut avoir la Convention des Nations Unies sur le plan de la méthodologie proposée par le manuel. En effet, au cœur de la Convention, dans plusieurs de ses articles (notamment les articles 3 et 11), figure l'idée que les jeunes ont le droit d'exprimer leur point de vue et de demander que l'on en tienne compte, pour tous les problèmes les concernant. Mais la concrétisation de cette idée en est à des stades différents d'un pays européen à l'autre: certains pays offrent véritablement aux jeunes la possibilité de participer aux décisions les concernant tandis que, dans d'autres Etats européens, ce processus est moins avancé.

Votre établissement scolaire ou votre association disposent-ils d'un exemplaire de la Convention relative aux droits de l'enfant?

De toute évidence, l'ensemble des possibilités existant dans ce domaine détermine dans une certaine mesure à quel point les jeunes peuvent actuellement influer sur les décisions qui les concernent, ainsi que la pertinence supposée de telle ou telle action. Mais l'objectif principal, qui reste valable pour l'ensemble de l'Europe, est de traiter les jeunes comme des personnes à part entière, dignes de respect et, dans ce sens, comme les égales des adultes.

Le processus de production

L'équipe de production de REPÈRES se composait de huit personnes, et était chargée de fournir les matériels documentaires et de concevoir les activités qui seraient proposées dans le cadre du manuel. Comme cela arrive fréquemment, cette équipe a dû relever un défi assez difficile, mais également très stimulant - ne serait-ce qu'au niveau des délais très «serrés» de remise du travail. Afin de garantir une circulation maximale des idées et expériences, les textes de chaque rédacteur étaient relus et approuvés par deux de ses collègues. Et, de la même manière, chaque thème ou chapitre de l'ouvrage a toujours été soumis à l'analyse de plusieurs personnes - deux au minimum.

Cette équipe de production était représentative de l'ensemble du continent européen, tout au moins dans sa composition. Ses membres étaient originaires aussi bien de l'Europe du Nord et du Sud que d'Europe orientale et occidentale (et centrale). Leurs histoires personnelles, leurs traditions, leurs langues, leurs vêtements et leurs goûts musicaux étaient soit en totale opposition soit, parfois, en accord. Chaque membre de l'équipe avait, dans une certaine mesure, ses propres objectifs - ou souhaitait, en tout cas, emprunter des voies quelque peu différentes -, car chacun connaissait mieux que les autres les besoins propres à son pays.

Mais aucun des membres de l'équipe ne pouvait connaître les besoins de l'ensemble des Européens, ni même ceux de son pays tout entier. En d'autres termes, chaque personne était nécessaire mais non pas suffisante.

Au début du processus, l'un des membres du Groupe de d'experts, vivant dans un pays anciennement communiste, faisait observer que les pays d'Europe occidentale se préoccupaient des droits des minorités, tandis que ceux de la partie de l'Europe à laquelle il appartenait étaient soucieux des droits de la majorité. Mais certains étaient en désaccord avec lui, et estimaient que «cette partie de l'Europe» ne pouvait être classée, en réalité, ni dans la première ni dans la seconde catégorie. D'autres, au contraire, ont estimé que la réflexion de leur collègue était, certes, une manière de généraliser mais que, comme bon nombre de généralisations, cela était peut-être vrai, en partie du moins. Nous nous sommes donc efforcés de tenir compte de ces points de vue. Mais tout le monde aurait pu également convenir d'une formulation légèrement différente, du type: «Les peuples d'Europe du Sud/ de l'Europe musulmane/ les régions rurales/ les capitales/ l'Europe déchirée par la guerre… se préoccupent de…» .

En tout cas, l'observation en question nous rappelait qu'en dépit de nos objectifs communs, il y avait autant de différences entre toutes nos cultures qu'entre nous - en tant que membres individuels des équipes concernées, représentant ces différentes cultures. Finalement, nous sommes parvenus au terme du processus en gardant l'espoir que les questions qui nous préoccupaient pouvaient - et devaient - également concerner les autres, où qu'ils soient, car il s'agit, en fait, de problèmes mondiaux. Au bout du compte, nous nous sommes également demandé dans quelle mesure nous avions réussi à couvrir correctement l'ensemble de l'Europe. Mais, après tout, cela aurait été une «mission impossible» .

L'utilisation du manuel dans le contexte de toutes les cultures et de toutes les langues

La conception d'un manuel à l'intention d'un très large public pose deux problèmes majeurs. Le premier est le risque d'une approche trop générale, autrement dit, le fait que les activités proposées ne soient pas assez spécifiques pour refléter les préoccupations spécifiques de certains groupes ou populations. Et, deuxièmement, le problème exactement inverse, à savoir que certaines activités correspondent de manière trop spécifique à des questions qui, soit ne sont pas forcément pertinentes pour tous les pays visés, soit ont un caractère trop délicat pour certains pays.

Les questions incluses dans le manuel concernent de façon pertinente et directe tous les êtres humains, où qu'ils soient sur la planète. Ceci dit, il se peut que l'approche de certains problèmes ou la présentation de certaines activités soient plus ou moins adaptées à certains groupes ou animateurs. En l'occurrence, les animateurs en question ne devront pas se contenter de suivre aveuglément les directives données dans le manuel; ils devront plutôt déterminer en quels endroits il faudra améliorer, adapter ou actualiser le contenu, afin de répondre à leur environnement particulier. A cet égard, les orientations indiquées ci-après pourront être utiles.

Le présent manuel doit donc apparaître comme un point de départ, un instrument pédagogique «vivant» , ouvert et susceptible d'améliorations et d'adaptations

Conseils pour d'éventuelles adaptations

  • Pour toute question éventuellement polémique dans votre pays, ou susceptible de provoquer un veto de la part du pouvoir en place, efforcez-vous de voir si l'on peut la resituer dans le contexte d'une autre société ou d'une autre période de l'histoire - indépendamment de toute référence explicite à des pratiques actuelles. Pour toute question polémique ou controversée, on pourra aussi, à l'inverse, jouer sur les facteurs d'opposition, par exemple: encourager les apprenants à envisager des points de vue différents, ou encore demander son opinion à une personne représentant une minorité.
  • Si vous réalisez les activités proposées par ce manuel dans le cadre du système éducatif formel, c'est-à-dire avec des pressions d'horaires et de contenu de programme, il vous faudra probablement avoir davantage recours à des éléments d'information de base, que vos élèves pourront rechercher. Vous éprouverez peut-être aussi la nécessité de morceler les activités en question (par exemple, en les échelonnant sur deux jours).
  • S'il y a peu de possibilités d'insérer l'éducation aux droits de l'homme dans votre cadre éducatif, les activités que nous proposons peuvent être incorporées de mille manières à certaines disciplines officiellement enseignées, telles que la géographie, l'histoire, la citoyenneté, les études politiques, etc. Dès lors, il vous faudra peut-être adapter certaines activités en conséquence.
  • Si vos jeunes élèves ont l'impression que certaines des questions abordées n'ont pas une importance majeure, ou qu'ils n'en voient pas la pertinence par rapport à leur situation personnelle et immédiate, demandez-leur de reconsidérer ce problème de manière plus directe - c'est-à-dire, par exemple, de définir comment ces questions peuvent, en réalité, avoir des effets concrets sur leur vie quotidienne. En fait, toutes les questions abordées par le présent ouvrage concernent directement l'ensemble des jeunes!
  • Au sujet de certaines activités, vous pourrez estimer que certaines informations concernent davantage votre groupe ou votre pays en particulier, ou encore que telle ou telle approche serait plus adaptée. Par conséquent, soyez très souple à cet égard: autorisez vos élèves à faire des suggestions, prolongez (ou, au contraire, limitez) la durée des activités, le cas échéant et, de la même manière, développez plus ou moins certaines informations contextuelles; enfin, adoptez les propositions de suivi faites par le groupe au sujet d'aspects l'intéressant tout particulièrement. Dans certains cas, vous pourrez avoir à compléter l'information fournie par le manuel ou à l'adapter à votre contexte.
  • Evaluez personnellement les dangers éventuels d'une participation des jeunes à telle ou telle forme d'action publique - par exemple, en cas de situation sociale ou politique particulièrement tendue dans votre pays.
  • Si possible, faites partager aux jeunes apprenants les difficultés que vous rencontrez. Ils apprécieront le fait de pouvoir donner leur avis et seront plus à même de comprendre les contraintes ou les limites auxquelles vous êtes soumis.

En un mot, faites-leur confiance!
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