Annexe II
Déclaration des Organisations Européennes
de Jeunesse
Rédigée lors du Sommet
du Conseil de l'Europe à Vienne, le 8-9 Octobre 1993
Conseil Européen des Comités
nationaux de Jeunesse - CENYC
Bureau Européen de Coordination des organisations
internationales de jeunesse BEC
Conseil Fédéral Autrichien de la Jeunesse
- ÖBJR
Déclaration de la Jeunesse
Les organisations de jeunesse présentes
à cet événement se réjouissent
de la tenue du Sommet de Vienne des Chefs d'Etat et de Gouvernement
et faisons la déclaration suivante :
1. Nous croyons que les discussions sur
le racisme et la xénophobie doivent tenir compte
du contexte socio-économique plus large, de l'exclusion
sociale et de la marginalisation. En tant qu'organisation
de jeunesse, nous soulignons le fait que la diversité
culturelle est un enrichissement pour nos sociétés
et que la présence de communautés immigrées
a un impact positif dans nos pays tant en terme économique
que démographique, social ou culturel.
2. Penser les politiques européennes
vis-à-vis des réfugiés et réflechir
la formulation des politiques d'immigration peuvent se mener
qu'en tenant compte de la situation mondiale des réfugiés
et en notant que seulement 3% des réfugiés
sont accueuillis en Europe.
3. Penser que la lutte contre le racisme
devrait d'abord passer par un verrouillage des frontières
ou encore par une restriction du droit d'asile est une approche
qui risque de renforcer des tendances racistes au sein des
opinions publiques nationales. Il n'est pas acceptable de
livrer en boucs émissaires les populations migrantes
qui souvent vivent des situations de marginalisation.
4. Nous pensons qu'il convient de distinguer
la récente flambée de violences racistes de
la discrimination quotidienne face à laquelle les
immigrants sont confrontés. Toute proposition d'action
doit couvrir ces deux aspects.
5. La lutte contre le racisme ne peut être
séparée de la lutte plus générale
contre l'exclusion. La xénophobie est aussi une conséquence
de l'insécurité liée aux difficultés
sociales et économiques. Aussi longtemps qu'une partie
grandissante de la population de nos sociétés
se sentira exclue et marginalisée, on ne peut s'attendre
à ce qu'elle voie et juge les étrangers sans
préjudice ou amertume.
6. Toute réflexion sur le racisme
doit aussi tenir compte de l'inégalité économique
entre les pays du Nord et du Sud, et de l'instabilité
politique qui existe dans la majeure partie du monde.
7. Nous accueillons très favorablement
l'idée d'un plan d'action européen contre
le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme
et l'intolérance dont un volet est une campagne de
jeunesse. En tant qu'organisation de jeunesse, nous sommes
prêts à jouer un rôle central en encourageant
une participation active des jeunes dans nos sociétés.
Un tel plan d'action doit s'appuyer sur des relais existants :
organisations anti-racistes, observatoires nationaux, travailleurs
sociaux, associations de jeunesse...afin de toucher le maximum
de personnes. Il doit tenir compte de l'expérience
accumulée et des initiatives qui existent.
8. Combattre le racisme c'est mener des
politiques sociales aidant les populations les plus faibles
économiquement ; c'est aussi mener des politiques
de la ville cohérentes visant notamment l'insertion
des jeunes tant au niveau professionnel qu'au niveau de
l'école, du quartier ou de la famille.
9. Nous croyons à une Europe ouverte
sur le monde , à une Europe basée sur le respect
des droits de l'homme, sur la démocratie, sur la
participation de chacun à la vie sociale. C'est pourquoi
nous disons que le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie
et l'intolérance sont inacceptables. Tous ces phénomènes
mettent en péril les fondements mêmes de nos
sociétés. C'est pour cela qu'il convient de
tout faire pour les combattre.
La déclaration de Vienne est une
déclaration généreuse et humaniste
dans ses principes mais afin d'être effectives, les
mesures proposées doivent être mises en place.
C'est pourquoi nous, organisations de jeunesse,
demandons instamment aux Chefs d'Etat et de Gouvernements
présents à Vienne de tenir compte des éléments
suivants :
A. Au niveau politique :
Nous attendons des responsables politiques :
• d'être assez courageux pour
condamner le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme
et l'intolérance qui sont totalement inacceptables
dans toute société ;
• de condamner l'utilisation explicite
ou implicite par les partis politiques de questions liées
au racisme à des fins purement électoraux ;
• de mener des politiques de la ville
permettant l'insertion des jeunes tant au niveau professionnel
qu'au niveau de leur participation locale ;
• dans ce cadre, d'établir
ou de développer des politiques de la jeunesse, notamment
par un soutien accru à la vie associative des jeunes
à l'échelon local, régional, national
et européen ; cette vie associative étant
une garantie importante de la solidité du tissu social ;
• de poursuivre le développement
de la mobilité jeunesse comme facteur de compréhension
interculturelle. Cela passe à la fois par une abolition
des restriction des visas et par un soutien aux systèmes
actuels favorisant la mobilité des jeunes, notamment
par la Carte Inter-rail.
B. Au niveau législatif :
• de mettre en place dans les pays
où des telles lois n'éxistent pas, un appareil
législatif condamnant à la fois les actes
racistes mais aussi la diffusion des idées racistes,
xénophobes ou antisémites ;
• d'assurer pleinement la diffusion
et l'application de ces lois ;
• de mettre en place un système
de compensation pour les victimes d'actes racistes ;
• de garantir le droit d'asile ;
• de faciliter l'accès et
l'octroi de la nationalité ou le cas échéant
de la double nationalité ;
• de trouver les formes adéquates
visant à éliminer les restrictions dans la
mobilité des jeunes dues aux visas ;
• d'assurer l'intégration
politique et sociale des étrangers, particulièrement
au niveau local, notamment par l'octroi du vote actif et
passif pour tous les étrangers légalement
installés ;
• de remplir pleinement leurs obligations
vis à vis des réfugiés et des demandeurs
d'asile, obligations liées à la Convention
Européenne des Droits de l'Homme ;
• de garantir que les questions liées
au racisme n'influencent pas le débat sur la formulation
des politiques d'immigration ;
C. Au niveau éducatif :
Tout en reconnaissant que le volet législatif
est un aspect essentiel de l'action des différents
états dans leur lutte contre le racisme, il est primordial
que les états mettent tout en oeuvre pour soutenir
au sein de leurs systèmes éducatifs une réelle
éducation multiculturelle et interculturelle et cela
à tous les degrés (primaire, secondaire et
universitaire). C'est à l'école que l'on apprend
à vivre ensemble, c'est donc aussi à l'école
que, dès le plus jeune âge, doivent s'apprendre
le respect des différentes cultures, la tolérance,
la volonté de vivre ensemble.
Concrètement, cela peut se traduire :
• par une approche visant à
favoriser les expériences interculturelles au sein
des systèmes éducatifs ;
• par le développement de
contenus d'enseignement (notamment en histoire, en langues
vivantes) qui plutôt que d'encourager une estime nationale
excessive visent un respect des différentes cultures ;
• de développer et améliorer
l'apprentissage des langues étrangères y compris
celles des populations immigrés, dans ce cas non
seulement pour les migrants mais aussi pour les populations
autochtones ;
• d'instaurer des programmes d'échanges
scolaires internationaux et des visites d'études
en tant que partie intégrante du cursus scolaire
ou universitaire.
Le travail de formation réalisé
au sein du secteur jeunesse du Conseil de l'Europe, la création
d'un second centre européen de la jeunesse, la mise
en place d'une unité de recherche sont des éléments
cruciaux dans la mise en place d'un plan d'action contre
le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme
et l'intolérance.
Ce n'est qu'en prenant ces mesures de manière
urgente que nous tous pourrons espérer faire face
aux phénomènes racistes, xénophobes
et antisémites auxquels nous assistons actuellement.
Dans la cas contraire, nous devons tous
nous rappeler la terrible sentence de B. Brecht : «Le
ventre est encore fécond d'où est sortie la
bête immonde»
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