Les minorités en Europe

Attention ! Une minorité quelque part est peut-être une majorité ailleurs.

Quand une minorité n'est-elle pas une minorité ? Quand elle constitue une puissante élite ! Êtes-vous d'accord avec cette affirmation ?

Les minorités locales

Dans presque tous les États, il y a des minorités «traditionnelles» : des groupes ethniques présents depuis des siècles, possédant pourtant des caractéristiques, des comportements, des habitudes et des modes de vie différents de ceux de la majorité. Des multitudes d'exemples peuvent être cités : en voici quelques-uns, mais d'autres vous viendront certainement à l'esprit. L'histoire de l'Europe est jalonnée de mouvements expansionnistes, d'accords commerciaux, de conquêtes religieuses et militaires. Tous ces événements ont provoqué des mouvements de personnes et de cultures. Les chevaliers normands du 11ème siècle ont réussi à bâtir des empires très éloignés les uns des autres, en Grande-Bretagne, en Espagne et en Sicile ; les forces de l'Empire ottoman ont atteint les murs de Vienne en 1529, puis à nouveau en 1683 ; la Lituanie était le plus grand État d'Europe au 14ème siècle. (Nous devons être prudents en manipulant de tels «faits» historiques ; par exemple, selon votre point de vue, le plus grand État d'Europe au 14ème siècle pourrait être polonais et non lituanien - cette différence d'analyse constitue encore aujourd'hui un point de discorde). Beaucoup de régions et de localités ont traversé des épreuves terribles ; comme le souligne Richard Hill, la ville de Ilok, aujourd'hui située sur la frontière orientale de l'Etat indépendant de Croatie, est un exemple révélateur. Sous l'Empire ottoman, Ilok était un village musulman. Auparavant, il était catholique. En 1930, la majorité de ses habitants étaient allemands et juifs. En 1991, sa population comptait 3000 Croates, 500 Serbes et 1900 Slovaques, descendants de migrants du 19e siècle. Un an plus tard, en 1992, elle était composée de 3000 Serbes. Depuis la fin de la guerre, les Croates sont à nouveau majoritaires.

Connaissez-vous une ville près de chez vous qui possède une histoire similaire ?

Pour l'Espagne, ces minorités traditionnelles sont surtout les Rom et les Sinti (Tsiganes) qui constituent aussi une minorité ethnique dans beaucoup d'autres pays, ainsi que les communautés musulmane, juive et hindoue qui résident à Ceuta et Melilla. En Suède, on trouve une minorité finlandaise assez importante. En Turquie, environ 17% de la population est constituée de Kurdes. Il y a 21 000 gens du voyage en Irlande. Environ 9% de la population roumaine est composée de Hongrois.

Jusque dans les années 80, il semblait - d'un point de vue extérieur, en tous cas - que la Yougoslavie constituait l'un des exemples les plus positifs de peuples différents vivant ensemble en paix. A présent, il est difficile de savoir à quel point cette image était fausse et dans quelle mesure elle masquait de véritables inégalités. Ce qui est clair, c'est la complexité des relations entre les Slovènes, les Bosniaques, les Croates, les Musulmans, les Serbes, les Monténégrins, les Macédoniens, les Roumains, les Bulgares, les Hongrois, les Albaniens, les Tsiganes et les Grecs - pour ne citer que ceux recensés en 1991.

Combien de personnes faut-il pour former un «groupe minoritaire» ?

Les Slovènes, minoritaires au sein de la fédération de la Yougoslavie, sont à présent majoritaires en Slovénie où ils représentent environ 88% de la population. Les déclarations d'indépendance et le découpage des territoires suite aux guerres ont joué un rôle déterminant dans la «création» de minorités. Avec la chute de l'Union Soviétique, 25 millions de Russes vivant hors de la Fédération de Russie - notamment en Estonie, en Lettonie et en Lituanie - ont formé des minorités assez importantes dans les nouveaux États indépendants. En 1920, le Traité de Trianon amputait la Hongrie de deux tiers de son territoire et de un tiers de sa population ; beaucoup de ces habitants restèrent dans leurs villes et villages. On retrouve leurs descendants essentiellement en République de Slovaquie, en Roumanie et dans les Etats qui constituaient auparavant la Yougoslavie.

La décision de reconnaître ou de qualifier un groupe de personnes de «minorité» constitue un enjeu fondamental et un réel danger. C'est en effet dangereux car cela peut déboucher sur une discrimination et une ségrégation accrue. D'un autre côté, cela peut aussi conduire à un accroissement des droits et des responsabilités d'un groupe particulier.

Aucun État en Europe ne possède à l'intérieur de ses frontières une population qui ne parle qu'une seule langue, bien que certains aient choisi de n'avoir qu'une langue officielle. La langue joue un rôle prépondérant dans la culture d'un peuple. Au cours des dernières décennies notamment, les personnes parlant des langues minoritaires ont demandé à bénéficier d'une reconnaissance officielle, à recevoir une instruction dans leur langue et à pouvoir développer leurs propres médias (publications, radios, programmes télévisés).

Quels autres types de droits les minorités pourraient/devraient-elles avoir ?

Le Conseil de l'Europe a examiné la situation des «minorités nationales» à plusieurs occasions depuis 1949, première année de son existence. Bien qu'il soit aisé de comprendre que le terme de «minorités nationales» fasse référence à ces personnes contraintes d'émigrer vers un autre pays, ou vivant dans un autre pays suite à des modifications de frontières, il s'est avéré impossible de parvenir à un consensus sur l'interprétation de ce terme. La Déclaration rédigée lors du Sommet de Vienne en 1993 (voir Annexe 1) a donné un nouvel élan à l'effort entrepris pour la protection de ces minorités. Suite à cela, les États membres ont décidé d'opter pour une approche pragmatique avec la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, adoptée en novembre 1994 : cette Convention ne contient aucune définition du concept de «minorités nationales», permettant que chaque cas soit considéré selon les circonstances particulières à chaque État. Les États qui ont signé et ratifié cette Convention s'engagent à permettre juridiquement aux minorités nationales de préserver les éléments essentiels de leur identité, en particulier leur religion, leur langue, leurs traditions et leur patrimoine culturel. L'auto-définition est également importante et l'Article 3.1 reconnaît le droit des individus à choisir librement d'être traités ou non en tant que membres d'une minorité nationale.

Le pays dans lequel vous vivez a-t-il signé et ratifié cette Convention ?

Migrants, immigrants, réfugiés

Dans ce domaine aussi, la terminologie est un exercice délicat. Il est d'usage dans beaucoup de pays européens d'employer le terme de «migrants» pour désigner les personnes ayant des origines étrangères ; la Commission des Communautés Européennes a même créé un Forum des Migrants. Ces jeunes détenteurs de passeports britanniques de Manchester d'origine jamaïcaine, par exemple, et dont les parents sont nés en Grande-Bretagne, ont été plutôt surpris d'apprendre que ce Forum était pour eux. Certains parlent «d'immigrants», d'autres de «travailleurs immigrés temporaires», et des rapports du Conseil de l'Europe mentionnent l'expression de «stocks de populations étrangères». Même s'il conviendrait à certains que les migrants soient simplement «de passage», il est de plus en plus évident que la majorité d'entre eux ne partiront pas. Et beaucoup sont des nationaux des pays dans lesquels ils vivent.

Si un couple d'étrangers a un enfant dans votre pays, cet enfant est-il aussi un «étranger» ?

La diversité des définitions et des méthodes employées pour la compilation des statistiques font que, souvent, les données ne sont pas comparables entre pays. Presque par définition, les «immigrants irréguliers» sont incroyablement difficiles à dénombrer, mais, pour les responsables politiques peu scrupuleux surtout, terriblement faciles à estimer. (C'est un peu comme le concept de majorité silencieuse - comme elle est silencieuse, n'importe qui peut prétendre parler en son nom). Ces personnes ne sont pas «illégales», c'est le système juridique qui les définit de la sorte. Si vous ajoutez à ces considérations le fait que chaque pays possède des principes et des taux différents pour traiter les demandes de naturalisation, il semble alors évident que les statistiques doivent être considérées avec beaucoup d'attention. Oui, même les quelques rares que nous utilisons dans ce kit pédagogique.

Où pouvez-vous vous procurer de telles informations ? Qui les produit ? Qui les utilise ?

Nous avons abordé précédemment les divers modèles de migration au sein et en direction de l'Europe. Jusqu'au début de la présente décennie, la principale cause d'immigration était le regroupement familial, les travailleurs migrants arrivés dans les années 60 et 70 étant rejoints par leur famille. L'Italie, le Portugal et l'Espagne sont récemment devenus des pays d'immigration, après avoir été des pays d'émigration ; (Saviez-vous que la plus grosse communauté grecque, après Athènes et Thessalonique, se trouve à Melbourne en Australie ?). Avec la France, l'Italie et l'Espagne sont les principales destinations des migrants d'Afrique du Nord.

Lors d'une conférence sur la migration au Conseil de l'Europe en 1991, il avait été prédit que, dans trois ans, jusqu'à 20 millions de personnes émigreraient vers l'Ouest depuis les pays de l'ex-Union Soviétique. Ce phénomène ne s'est pas produit, mais des prédictions tellement exagérées ont contribué à accroître le soutien du public en faveur de contrôles migratoires plus stricts en Europe occidentale.

Quelle est la différence entre un réfugié et un demandeur d'asile ?

Partout dans le monde, il y a eu une augmentation massive du nombre de réfugiés et de demandeurs d'asile au cours de la dernière décennie. Selon une estimation, cette augmentation est de l'ordre de 980% en Europe pour la période 1983-1992 : le chiffre est passé de 70 000 à 685 700. Ces personnes venaient du monde entier, en majorité d'Europe orientale et de Turquie. L'effroyable conflit en ex-Yougoslavie est clairement à l'origine de l'accroissement énorme des mouvements de réfugiés et de personnes déplacées en Europe. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, en janvier 2004, le nombre total de « personnes sources de préoccupations » en Europe s'élevait à 4 403 921. A l'échelle mondiale, les dix mouvements de réfugiés les plus importants étaient tous à destination de pays africains.

La Convention de Genève des Nations Unies de 1951 fixe les définitions et les procédures relatives à l'admission des demandeurs d'asile. De quelle façon le pays dans lequel vous vivez les applique-t-il ?