Introduction

Il est facile de dire : «Je n'ai pas de préjugés», ou «Je ne suis pas raciste, ce problème n'a rien à voir avec moi», ou «Ce n'est pas moi qui ai invité ces réfugiés». Il est difficile de dire : «Je ne suis peut-être pas à blâmer pour ce qui s'est produit dans le passé, mais je veux prendre mes responsabilités pour faire en sorte que, à l'avenir, les choses changent».

Bienvenue dans la seconde édition du kit pédagogique "Tous différents - Tous égaux" !

A l'époque où le Kit pédagogique a été élaboré, en 1994-95, l'accès à Internet était essentiellement réservé aux universités, aux grandes entreprises et aux gouvernements. Aucun d'entre nous n'avait de messagerie électronique, et nous communiquions donc par courrier, télécopie ou téléphone. Aujourd'hui, Internet n'est toujours pas accessible à tout le monde et nous devons lutter davantage contre cette nouvelle forme d'exclusion. Toutefois, la situation s'améliore et - si l'on se replace une décennie en arrière - les possibilités qui existent aujourd'hui pour partager des idées et mettre des publications à disposition sur Internet étaient inimaginables. Prendre part à une communauté en évolution constante dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme dans le monde entier est certainement une façon de contribuer à créer des liens et des solidarités.

Peu après sa publication en 1995, le Kit pédagogique « Tous différents - Tous égaux » est devenu une référence pour les personnes qui s'occupent d'éducation et de formation interculturelles dans toute l'Europe et au-delà. Traduit dans de nombreuses langues, il demeure l'une des publications les mieux accueillies et les plus utilisées du Conseil de l'Europe. Suite au succès du lancement de la version en ligne de Repères - le manuel pour la pratique de l'éducation aux droits de l'homme avec les jeunes - il était logique de mettre à jour les publications pédagogiques principales de la campagne « Tous différents - Tous égaux », et de les rendre plus largement accessibles dans le contexte du Programme Jeunesse d'Education aux droits de l'homme. Le dixième anniversaire de la campagne « Tous différents - Tous égaux » est également une bonne occasion de remettre ces ressources à l'honneur.

Qu'est-ce qui a changé ? La majeure partie du texte n'a pas été modifiée. Nous avons mis à jour les références et les exemples, et supprimé ceux qui ne sont plus pertinents. Nous avons très soigneusement sélectionné des liens vers d'autres sites Internet intéressants. Sur le plan technique, étant donné que les webmestres modifient fréquemment la structure interne des sites, nous ne donnons généralement que le nom de domaine, et lorsqu'il s'agit d'adresses plus complexes nous précisons la date de consultation.

La plupart des modifications ne sont visibles et utilisables que sur la version en ligne du Kit pédagogique. Nous avons pu créer des liens intéressants avec les publications Repères, DOmino, et Alien 93, qui ont toutes pour objectif de contribuer à promouvoir l'esprit de la campagne : égalité dans la dignité et les droits et respect de la diversité. En les parcourant, vous trouverez beaucoup d'aspects qui se complètent. En particulier, vous aurez la possibilité de passer de parties théoriques à des activités concrètes, qui se renforcent mutuellement. Essayez vous-même sur www.coe.int/compass !

Nous espérons que vous trouverez cette nouvelle édition facile et agréable à utiliser. Bonne lecture !

La Campagne «tous différents - tous égaux»

Les sociétés européennes souffrent encore d'une montée d'hostilité raciale et d'intolérance à l'égard des minorités. Sur tout le continent, au sein d'organismes publics, d'organisations non-gouvernementales et d'initiatives locales, de nombreuses personnes tentent de lutter contre ces fléaux. La Campagne Européenne de la Jeunesse contre le Racisme, la Xénophobie, l'Antisémitisme et l'Intolérance («Tous différents - Tous égaux») vise à rassembler ces personnes, afin d'imprimer un élan supplémentaire au combat contre toutes les formes d'intolérance. Même si la Campagne a officiellement pris fin en 1996, la nécessité de poursuivre son action n'en reste pas moins d'actualité.

Le problème croissant du racisme et de l'intolérance figurait à l'avant-plan de l'ordre du jour du Sommet de Vienne, tenu en 1993, qui réunissait les dirigeants des 32 États membres du Conseil de l'Europe. Ils y ont adopté un Plan d'action joint qui, en plus de la Campagne, prévoit une coopération entre les États membres, notamment dans les domaines de la législation et de l'éducation visant à lutter contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance (voir Annexe 1). Cette Campagne bénéficie du soutien sans réserve des plates-formes paneuropéennes d'organisations non-gouvernementales de jeunesse, le CENYC et le BEC - qui ont tous deux fusionné dans le Forum européen de la Jeunesse en 1996. Il est important de prendre conscience du caractère mondial de ces problèmes, tragiquement illustré par les événements du 11 septembre 2001 et les guerres en Afghanistan et en Irak.

Cette Campagne a tenté de mobiliser tous les secteurs de la société vers les objectifs positifs de la tolérance, de l'égalité, de la dignité, des droits de l'homme et de la démocratie, et de donner une impulsion pour les années à venir. De tels objectifs ne peuvent être «atteints» ; ce sont plutôt des processus permanents qui exigent l'engagement de tous.

Ce kit pédagogique

Les jeunes ne peuvent parvenir à comprendre leur position, à mieux en connaître et à en maîtriser tous les aspects, sans une compréhension des circonstances internationales et nationales qui façonnent leur monde. L'éducation interculturelle peut faciliter ce processus. Nous avons tenté de réunir des matériels pratiques et théoriques à l'usage des animateurs, des formateurs, des travailleurs de jeunesse et des enseignants dans un cadre pédagogique informel. Nous nous sommes basés sur l'expérience acquise avec la production de «ALIEN 93 - Organisations de jeunesse en lutte contre le racisme et la xénophobie», publié par la Direction de la Jeunesse en 1993. Ce kit n'est pas une thèse académique ; nous avons essayé d'en faire un produit facile à lire. Les praticiens expérimentés y trouveront de nouvelles idées, mais le principal groupe ciblé sont les personnes qui commencent à travailler avec des jeunes dans ce domaine. Bien que nous parlions de jeunes, ce kit et les activités proposées peuvent être adaptés à d'autres groupes d'âge dans des cadres pédagogiques informels.

La Partie A est une présentation générale de la situation actuelle en Europe et une argumentation en faveur de l'introduction de l'éducation interculturelle. Nous examinons les développements historiques, politiques et économiques à l'origine de nos sociétés. Après avoir défini quelques concepts-clés, nous enchaînons avec l'analyse des bases de l'éducation interculturelle. A la fin, une section consacrée à des références bibliographiques propose aux utilisateurs des orientations pour approfondir leur réflexion. Des questions sont placées de manière stratégique dans le texte, de manière à rendre cette étude plus vivante et à suggérer des idées de discussion avec les groupes de jeunes. La Partie A fournit le contexte aux approches pédagogiques exposées dans la Partie B.

La Partie B est une véritable boîte à outils contenant des méthodes et des activités à exploiter avec les jeunes dans le cadre de l'éducation interculturelle. Après une description de la méthode globale, vous trouverez un éventail d'activités basées essentiellement sur le travail en groupes et la participation. En travaillant à partir de l'expérience, en explorant de nouvelles approches, la Partie B encourage les jeunes à agir.

Lors de la production de ce kit, nous avons déployé beaucoup d'efforts afin que vous puissiez l'utiliser de la manière la plus adaptée à votre façon de travailler, pour concevoir des activités pédagogiques. Vous pouvez entreprendre la lecture de ce kit au point qui vous intéresse. S'il vous plaît, lisez-le de manière critique et adaptez ce que vous y trouvez à vos circonstances spécifiques.

En utilisant ce kit, nous espérons que les jeunes comprendront mieux les causes du racisme et de l'intolérance, et seront en mesure de les identifier dans la société. Par le biais d'un processus d'éducation interculturelle, nous tentons de donner aux jeunes la possibilité d'évaluer les différences entre les individus, les cultures, et les conceptions de la vie ; c'est ainsi que nous parviendrons à vivre et à travailler ensemble, dans un esprit de coopération, pour développer une nouvelle société pacifique où règne la dignité dans l'égalité.

L'unité de production et ses méthodes de travail

Quel est l'intérêt de publier un tel kit pédagogique ?

Nous avons consulté nos partenaires dans le cadre de la Campagne. Ceux-ci nous ont délivré un message clair : les activités pédagogiques doivent former la base de la Campagne si l'on veut assurer à cette dernière un effet durable ; et, à travers l'Europe, il existe un réel besoin de matériels pédagogiques accessibles pour soutenir ce processus.

La spécificité qui distingue ce kit pédagogique des autres est qu'il a été conçu et rédigé par une équipe multiculturelle d'animateurs expérimentés, dans le contexte de la Campagne. Nous pensons qu'il est important de décrire certains des processus de l'élaboration de ce kit, car cela permettra de mettre en lumière certains des enjeux et des problèmes que vous allez rencontrer en tentant de coopérer sur un plan interculturel. Coordonner un groupe dont les membres sont aussi dispersés n'est pas toujours facile. En effet, la communication par téléphone et par fax ne fonctionne pas toujours bien, les réunions sont coûteuses et la pression naturellement exercée par le temps peut nuire aux résultats.

La composition originale de l'unité de production réunie pour la première fois à Strasbourg en septembre 1994, au Centre Européen de la Jeunesse, était la suivante :

Pat Brander, Beccles, UK - formateur et rédacteur ;

Carmen Cardenas, Madrid, Espagne - Equipo Claves

Philippe Crosnier de Bellaistre, Berlin, Allemagne - formateur

Mohammed Dhalech, Gloucester, UK - CEMYC, représentant le Comité Européen d'organisation de la Campagne

Rui Gomes, Strasbourg, France - animateur, CEJ

Erzsébet Kovács, Budapest, Hongrie - formateur

Mark Taylor, Strasbourg, France - formateur et rédacteur

Juan de Vicente Abad, Madrid, Espagne - Colectivo AMANI

Tous les membres ont contribué au concept de cette publication. Malheureusement, des raisons à la fois personnelles et professionnelles ont empêché deux d'entre eux de prendre part à la deuxième réunion tenue en décembre 1994, au Centro Eurolatinamericano de Juventud à Mollina, en Espagne.

Notre travail a généré un processus conflictuel constructif entre les membres du groupe :

• Comment allons-nous mettre en commun nos expériences, nos définitions, nos idéologies et nos pratiques pédagogiques différentes ?

• Jusqu'à quel point cette Campagne va-t-elle contribuer à la lutte contre les causes de la discrimination et de l'intolérance ?

• Comment allons-nous pouvoir rendre compte des diverses réalités de l'ensemble des pays et des cultures européennes ?

• Comment allons-nous combiner nos différentes analyses de ces causes ?

• Pourquoi n'existe-t-il pas de traduction directe de l'adjectif "interculturel" en hongrois ?

• S'agit-il d'anglais britannique ou d'anglais international ?

• Pourquoi ne savez-vous pas parler espagnol ?

• Quelles doivent être les structures du kit ?

• Est-il possible de véhiculer des concepts simplement sans être simpliste ?

• Et, question très pratique, quelle est la quantité d'informations nécessaire pour décrire une méthode ou une activité ?

Réussir à répondre à ces questions a exigé la totale mobilisation de tous les membres et une aptitude à apporter des explications de manière créative. Seuls vous, les utilisateurs de ce kit, pourrez dire si nous sommes oui ou non parvenus à une forme de synergie interculturelle.

Pour la Partie A, nous avons décidé de nous baser sur la publication de Equipo Claves et Cruz Roja Juventud «En un mundo de differencias... un mundo diferente». La majorité des éléments repris ont été radicalement remodelés et réécrits, afin de prendre en compte la diversité des réalités à travers l'Europe.

Inventer ou adapter des méthodes pour la Partie B, tous ensemble, a contribué à nous faire comprendre, en tant qu'équipe, où nous allions et comment y parvenir. Très souvent, nous avons atteint des destinations complètement inattendues - en repensant à ces «parcours», nous en avons conclu que l'éducation interculturelle était un processus sans fin.

Suite à des discussions animées pour déterminer les valeurs sur lesquelles le kit devait reposer, nous avons abouti à la conclusion que celui-ci devait promouvoir :

• Des méthodes pour apprendre à connaître la différence et la discrimination et pour en faire l'expérience ;

• une compréhension nouvelle ou différente de la société ;

• une quête et un engagement en faveur de l'égale dignité de tous les citoyens ;

• des indices et des orientations en faveur de l'action et du changement.

Nous étions tous très conscients des limites de l'éducation interculturelle et de l'indispensable soutien politique et économique pour assurer son efficacité. Le Plan d'action adopté à Vienne contient des propositions visant à faciliter ce processus (voir Annexe 1). Ce n'est que dans les années qui suivront cette Campagne que nous pourrons évaluer le sérieux de ces engagements.

En fait, les Etats membres du Conseil de l'Europe ont depuis mis ces engagements en application. Citons deux exemples importants : l'entrée en vigueur de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ; et la création de l'ECRI (www.coe.int/ecri), la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance - sa tâche est de lutter contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance au niveau au niveau de la grande Europe et sous l'angle de la protection des droits de l'homme. L'action de l'ECRI couvre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la violence, les discriminations et les préjugés auxquels sont confrontés des personnes ou groupes de personnes, notamment au motif de la « race », la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l'origine nationale ou ethnique.

Terminologie - Un mot de mise en garde

Les mots ont un pouvoir. Les mots représentent des valeurs. Selon le contexte, les mots peuvent changer de signification, même si la langue reste la même. Nous avons tenté d'expliciter les contextes et les significations des termes que nous employons. Le secteur tout entier des relations interculturelles est fortement politisé, car les mots ne peuvent être correctement compris hors de leur contexte socio-économique.

En effet, lors de la préparation de cette seconde édition, nous avions envisagé de prendre en considération les débats qui se sont ouverts ces dernières années autour de l'éducation non-formelle. Nous avons finalement décidé de ne pas modifier la terminologie utilisée ici, notamment parce que les auteurs donnent les raisons qui motivent leur choix de tel ou tel terme.

Selon vos expériences et votre façon de comprendre, vous penserez peut-être que vous n'auriez jamais utilisé les mêmes termes ou expressions dans une telle publication. Nous vous exhortons à suspendre votre jugement un instant : demandez-vous alors pourquoi, à votre avis, certains mots et phrases sont mal choisis, et essayez de rechercher des solutions de remplacement. Ce kit sera en outre traduit dans plusieurs autres langues et, en dépit des soins apportés pour assurer la plus grande précision possible, ce processus amènera des changements de sens. Excitant, n'est-ce pas ?