II. L'approche pedagogique

Les activités contenues dans ce kit ont été conçues de manière à vous permettre de travailler sur les questions de l'éducation interculturelle à partir de deux perspectives : la participation et le travail en groupe.

Adopter une approche participative implique le fait que les jeunes ne constituent pas la cible de notre travail, mais les ressources sur lesquelles nous comptons. Utiliser ce kit signifie travailler avec des personnes, plutôt que travailler pour ces personnes. Notre principale tâche, le défi que nous voulons relever, consiste à encourager les individus à prendre le contrôle leurs propres actes, et donc à leur donner le pouvoir d'agir.

Le travail en groupe est une méthode parfaitement adaptée pour parvenir à une meilleure compréhension et à une plus grande maîtrise de nos expériences, connaissances, compétences et comportements. Ainsi, le processus de travail en groupe constitue le moteur qui permet de garantir que l'apprentissage de chacun ait un impact social au-delà du seul individu.

L'éducation interculturelle (présentée plus en détail dans la Partie A) est un processus d'éducation sociale par lequel les individus peuvent accroître leur conscience de leur propre culture et de l'interdépendance entre les cultures, tout en développant un plus grand respect pour la différence, que cette différence provienne de la culture, de la religion, des antécédents ethniques, de la sexualité, de la nationalité, du statut social, des aptitudes ou des handicaps. De cette façon, les individus parviendront à apprécier leur culture dans le contexte du monde au sens large, d'une manière qui leur permettra de comprendre et de communier avec les autres, mais aussi d'apprécier leur valeur et d'oeuvrer ensemble à la construction d'un monde meilleur et plus égal.

L'éducation interculturelle implique un travail avec les diverses facettes de la nature humaine, telles les comportements, les sentiments, les perceptions, les valeurs et les expériences. Ces facettes ne peuvent être approchées par la seule démarche intellectuelle, elles exigent aussi de faire appel à l'expérience. Par exemple, si nous souhaitons promouvoir la solidarité des jeunes vis-à-vis des immigrants, nous ne pouvons nous contenter de donner des informations sur leur situation, ou de présenter des chiffres et des schémas. Il faut que les jeunes parviennent à appréhender et à comprendre pleinement que l'immigration n'est pas accidentelle, mais que leur propre mode de vie peut contraindre certains à l'immigration et que les pays d'origine de ces derniers n'ont pas toujours été pauvres, mais ont été appauvris. De la même façon, pour aborder les problèmes d'homophobie ou de discrimination à l'égard des Rom (Tsiganes et Gens du voyage), plutôt que de se borner à des conférences, il serait mieux de donner aux jeunes la possibilité de ressentir ce que signifient les préjugés et la discrimination au quotidien. Il ne s'agit pas de diminuer l'importance de l'information de base, car celle-ci est nécessaire pour lutter contre des préjugés et des stéréotypes solidement ancrés : la majorité des Rom ne vivent pas dans des tentes et des caravanes, mais ont un mode de vie parfaitement «normal», les homosexuels ont toujours existé, dans toutes les sociétés et toutes les cultures.

Nous ne réussirons à faire comprendre la situation aux gens que si nous travaillons sur la base de leurs propres connaissances, sentiments et expériences. Partant de là, ils seront en mesure d'apprendre à s'adapter à diverses réalités personnelles et culturelles, pour parvenir à acquérir de nouvelles perceptions et connaissances. C'est pourquoi nous travaillons, non seulement sur le plan cognitif et intellectuel, mais surtout à partir des expériences concrètes au niveau affectif et émotionnel. Au même moment, nous ne devons pas oublier que pour permettre aux gens de développer les valeurs fondamentales de l'éducation interculturelle - solidarité, respect et empathie -, nous devons les aider à acquérir des compétences en matière de coopération, de communication et d'analyse critique.

Nous pouvons définir les trois étapes de notre mission pédagogique de la manière suivante : Réfléchir, Ressentir et Agir. Nous allons donc faire travailler nos Têtes, nos Coeurs et nos Mains.

Travailler avec des jeunes

En éducation interculturelle, travailler sur le mode de la participation et de la dynamique de groupe présuppose que nous basions notre travail sur certains principes fondamentaux :

1. Commencer par ce que les gens savent déjà, par leurs opinions et leurs expériences et, sur cette base, leur permettre de rechercher et de découvrir, ensemble, de nouvelles idées et expériences.

Nous avons tous des idées et des opinions à propos des problèmes et des questions qui touchent à notre vie quotidienne. Ces idées et opinions ont pour origine : notre famille et notre environnement social ; notre expérience directe ; nos lectures ; les informations reçues à l'école, ou véhiculées par le biais de la télévision, de la radio, etc. ; les discussions et les échanges de points de vue avec les autres ; et nos réflexions personnelles. Tous ces éléments forment une sorte de «filtre» au travers duquel nous percevons la «réalité». C'est la raison pour laquelle, vous, en tant qu'animateur du groupe, devez commencer par prendre cette réalité en compte, au lieu de l'ignorer, et l'utiliser comme base pour de nouvelles expériences.

2. Encourager la participation des jeunes, afin qu'ils contribuent aux discussions et apprennent le plus possible par le biais les uns des autres.

Chacun d'entre nous a toujours quelque chose à apprendre et à enseigner. Le travail en groupe renforce notre capacité d'apprentissage ; il nous permet d'explorer de nouvelles idées et d'analyser ensemble de nouvelles informations et, ce faisant, contribue au développement personnel. De plus, lorsque les individus participent activement, comme dans le cas de l'éducation interculturelle, ils s'approprient leur travail et, par conséquent, s'impliquent davantage.

3. Réfléchir continuellement à la façon dont les gens peuvent traduire leurs expériences concrètes d'éducation interculturelle en actions simples mais efficaces qui attestent de leur refus des processus de marginalisation, de discrimination et d'exclusion.

L'éducation interculturelle ne fonctionne pas au seul niveau individuel ; elle exige de faire intervenir simultanément les niveaux personnel et collectif. Par conséquent, notre tâche consiste à renforcer la dimension «pratique» de l'éducation interculturelle, en faisant en sorte que les jeunes, par le biais du groupe, parviennent à des conclusions concrètes concernant leur vie quotidienne.

Afin de mener notre travail avec les jeunes (en adoptant les principes du travail en groupe et une approche participative), nous comptons sur les activités qui constituent des outils primordiaux à cet égard. Ce sont en effet les ressources que nous exploitons pour faciliter l'appropriation par les jeunes de leurs expériences, à la fois intellectuelles et émotionnelles. Il est important de comprendre que les activités ne constituent pas une fin en soi, mais un prétexte, c'est-à-dire la clé qui ouvre la porte sur l'essentiel, à savoir un processus d'apprentissage commun basé sur l'échange d'opinions et d'expériences, la découverte de nouvelles dimensions de la réalité, la création commune d'alternatives et la prise de conscience du racisme, de la xénophobie, de l'antisémitisme et de l'intolérance.

Les activités présentées dans ce kit ont été conçues en tant qu'outils pour une utilisation dans le cadre d'un processus d'apprentissage de groupe. La façon dont vous déciderez de les exploiter dépendra de l'âge, des aptitudes et des centres d'intérêt des jeunes de votre groupe, ainsi que de l'espace et du temps à votre disposition, mais elles ont été conçues de manière à vous permettre de développer votre programme selon un processus méthodologique séquentiel :

G Signale des activités qui contribuent au développement et à la consolidation du groupe. Ces activités aideront à instaurer une bonne ambiance de groupe, ainsi qu'à renforcer les compétences en matière de communication et la dynamique de groupe. Parmi elles, on trouve les «icebreakers» (qui servent à briser la glace).

Si les membres du groupe ne possèdent pas de bonnes aptitudes interpersonnelles en matière de discussion et d'écoute active, et si ils n'ont pas une idée suffisamment claire du processus et de la dynamique du travail en groupe (aptitude à travailler avec d'autres en vue d'un objectif commun, dans un esprit de respect mutuel et de coopération), alors certaines activités (en particulier celles du niveau 4) leur sembleront difficiles, voire infaisables. Les activités de ce kit ont été produites dans le cadre de l'éducation interculturelle et sont par conséquent fondées sur le respect mutuel de l'individu, la croyance que chacun grandit grâce à l'expérience et que l'apprentissage par l'expérience est amusant, agréable, gratifiant et positif, et conduit au développement personnel et social. Si ceci n'est pas clairement compris, alors des difficultés et des conflits pourraient voir le jour, tandis que les membres sont invités à explorer leur façon de penser, leurs sentiments et leurs émotions à propos de leurs préjugés, de leurs croyances et de leurs perceptions du monde. Un travail en groupe de bonne qualité offre un environnement propice à cette exploration.

I Signale des activités qui permettront de pénétrer les images que nous avons des individus d'autres cultures, d'autres pays ou origines sociales.

Il est important de travailler avec ces images, car il existe un lien étroit entre les images ou les stéréotypes, d'une part, et les préjugés et la discrimination, d'autre part. Si nous ne parvenons pas à comprendre d'où proviennent ces images et à nous montrer critiques à leur égard, alors nous ne pourrons analyser l'influence qu'elles exercent sur nous et sur notre perception du monde. Si nous voulons nous attaquer au racisme et à l'intolérance, le premier pas doit par conséquent consister à appréhender ces images pour ce qu'elles sont - c'est-à-dire pas grand chose -, car, très souvent, elles n'ont pas grand chose à voir avec la réalité.

M Signale des activités qui permettront la découverte et l'analyse des raisons sociales, économiques, culturelles ou éducatives à la base des situations de discrimination, de refus, d'exclusion et de marginalisation.

Si nous ne sommes pas en mesure d'identifier les mécanismes qui perpétuent l'exclusion et la discrimination, nous ne parviendrons jamais à nous y attaquer et à les modifier. Il est essentiel que nous comprenions les intérêts directs en jeu, les rouages du pouvoir et de la politique au niveau local, national et international, car ils sont la cause première des conflits. Peu de gens choisiraient de quitter leurs maisons si ce n'était du fait de la guerre, de la famine, du manque d'emploi, des persécutions religieuses, etc. De la même façon, la concurrence pour le logement, l'emploi, l'éducation et les services de santé dresse les gens les uns contre les autres. Nous devons nous demander pourquoi la situation dans le monde est telle qu'elle est et pourquoi il est si difficile de la changer.

A Signale des activités qui contribuent au développement d'une prise de conscience des possibilités qui s'offrent aux individus ou aux groupes d'agir pour introduire ou encourager des changements sociaux basés sur les principes de solidarité, de respect, d'acceptation de la «différence» et du libre échange d'idées.

L'utilisation de ce kit ne présente que peu d'intérêt, si ses utilisateurs n'en tirent pas des enseignements, n'évoluent pas et ne tentent pas de concrétiser cette expérience en initiant des changements. Les changements représentent un aboutissement essentiel de ces activités. Les actions peuvent se situer à l'échelon individuel, par exemple par une conscience plus aiguë de nous-mêmes et de notre perception du monde, et par la reconnaissance de l'importance de nos actions personnelles. Les actions peuvent aussi se traduire par des initiatives communes au niveau local, au sein de nos communautés, pour soutenir les minorités ou d'autres personnes «différentes». Les actions peuvent encore consister à travailler ensemble au sein des organisations au niveau local, régional, national et international, afin de construire un monde interculturel plus juste et tolérant.

En français, il y a des proverbes comme : «Qui ne risque rien n'a rien» et «Il n'y a que le premier pas qui coûte». De tels proverbes existent dans toutes les langues. Nous vous suggérons de commencer par en dresser une liste dans votre langue. Vous trouverez d'autres idées pour vous aider à prendre des mesures dans «Actions pour la campagne de A à Z».

< page précédente