Travailler avec les jeunes : un processus permanent

Quel que soit leur âge, les personnes qui se trouvent confrontées aux enjeux et aux problèmes que pose une société multiculturelle ne peuvent passer directement de l'ignorance à une prise de conscience critique et à une action constructive. Cette transition ne peut se faire que par le biais d'un processus d'éducation interculturelle, informelle dans le cas qui nous intéresse, assorti de diverses activités et initiatives.

L'éducation interculturelle doit permettre aux jeunes de découvrir les origines et les mécanismes du racisme, de l'intolérance, de la xénophobie et de l'antisémitisme. Cette découverte personnelle peut déboucher sur une action collective, et il nous incombe de faciliter ce processus. Une action politique et économique est nécessaire pour compléter le tableau : l'éducation a ses limites mais aussi ses responsabilités.

D'autres ont tenté de décrire les domaines essentiels à prendre en considération lors du planning de programmes d'éducation interculturelle, ainsi que vous pouvez le constater dans la section des ressources à la fin de ce kit. Nous avons choisi, pour simplifier, de comparer l'éducation interculturelle à un parcours jalonné de différentes phases qui, simultanément, constituent des centres d'intérêt sur lesquels travailler.

Voici ces phases :

i) S'imaginer de l'extérieur

ii) Comprendre le monde dans lequel on vit

iii) Se familiariser avec les autres réalités

iv) Appréhender la différence de manière positive

v) Encourager les attitudes, les valeurs et les comportements positifs

Vous pouvez décider que certaines phases sont plus importantes que d'autres, ou qu'il vous faut opter pour un itinéraire totalement différent. Ces phases peuvent être combinées dans des ordres différents mais, ce kit n'étant pas en quatre dimensions, nous allons les aborder une par une - y compris les idées et les contenus de travail suggérés.

i) S'imaginer de l'extérieur

En matière d'éducation interculturelle, le point de départ de votre travail doit être une réflexion sur vous-mêmes et votre propre réalité.

Idées et contenus :

Notre propre réalité sociale et culturelle :

• Réévaluer ce que nous jugeons positif et négatif dans notre réalité.

• Nos habitudes, nos façons de penser, nos modes de vie, etc. ne sont qu'une des réponses envisageables au monde qui nous entoure ; il existe d'autres réalités qui ne sont ni meilleures, ni pires, mais seulement différentes.

• Expliquer notre réalité à ceux qui ne la connaissent pas peut nous aider à développer une approche différente.

Nos réactions face aux autres réalités sociales et culturelles que nous côtoyons :

• Les préjugés et les stéréotypes dans notre société à l'égard des autres sociétés et cultures.

• Pourquoi ces préjugés et ces stéréotypes apparaissent-ils ?

• Pourquoi certains de ces préjugés et stéréotypes sont-ils positifs, tandis que d'autres sont négatifs ?

• L'influence des préjugés et des stéréotypes sur notre comportement vis-à-vis des autres.

La discrimination : un phénomène arbitraire :

• Tout le monde peut faire l'objet de discrimination dans telles ou telles circonstances.

• Pourquoi la discrimination existe-t-elle ?

• Quelles sont ses différentes formes d'expression ?

ii) Comprendre le monde dans lequel on vit

Les sociétés, les pays ou les États ne peuvent se développer en s'isolant les uns des autres.

Idées et contenus :

Nous vivons dans un monde interdépendant :

• Les sociétés ont besoin les unes des autres.

• L'Europe n'est pas une planète ! (slogan emprunté au Centre Nord-Sud du Conseil de l'Europe).

La responsabilité partagée :

• Dans une grande mesure, les forces qui obligent beaucoup de personnes à quitter leurs pays pour assurer leur survie trouvent leur origine dans le système économique sur lequel sont fondés nos modes de vie.

Il nous faut non seulement prendre conscience du fait que nous vivons dans un monde interdépendant, mais aussi proposer des réponses concrètes au phénomène de la mondialisation de nos jours. Le chapitre de Repères sur la Mondialisation revient sur les causes et les conséquences de celle-ci.

iii) Se familiariser avec les autres réalités

Beaucoup des attitudes négatives face aux autres cultures, modes de vie ou sociétés proviennent de la «peur de l'inconnu». C'est la raison pour laquelle un des éléments essentiels de l'éducation interculturelle consiste à encourager les efforts pour se familiariser et mieux connaître les autres cultures - non pas l'attitude du touriste qui garde prudemment ses distances, mais celle qui consiste à s'ouvrir aux risques inhérents à la rencontre et à l'échange. Ce processus doit être basé sur un effort pour comprendre les réalités différentes des nôtres.

Idées et contenus :

Que savons-nous des autres cultures ou modes de vie ?

• Comment avons-nous obtenu les informations en notre possession à propos des autres cultures, sociétés et pays ?

• Quel est le pourcentage de réalité dans ces informations et le pourcentage d'idées préconçues accumulées de différentes façons ?

• Jusqu'à quel point devons-nous remettre en question les images et les informations transmises par les médias ?

• Comment pouvons réellement parvenir à nous «mettre à la place de l'autre» ?

Il n'y a ni cultures supérieures, ni cultures inférieures :

• Chaque culture est le résultat d'une réalité différente.

• Chaque culture présente des aspects positifs dont nous pourrions tirer des enseignements, et des aspects négatifs que nous pourrions critiquer - Comment les évaluer ?

Différent ne signifie pas moins bon, mais dissemblable :

• Quels sont les facteurs à l'origine de la perception négative des différences entre les êtres humains ?

iv) Appréhender la différence de manière positive

Quelles sont les bases nécessaires pour parvenir à appréhender la différence de manière positive ?

Idées et contenus :

Notre propre culture est un mélange de différences :

• La réalité sociale et culturelle à laquelle nous appartenons est le résultat d'un assemblage de différences.

• Nous ne considérons pas ces différences comme un obstacle insurmontable à une vie en commun.

La différence entre les cultures est un atout :

• Les interactions et les relations entre les différentes cultures sont enrichissantes, non seulement pour les individus, mais aussi pour les sociétés. Elles peuvent aussi être la source de beaucoup de distractions et de plaisirs.

• Chaque société ou culture a quelque chose à apprendre des autres sociétés ou cultures, mais aussi, en contrepartie, à enseigner aux autres.

• Comment apprendre à éviter de porter des jugements immédiats sur tels ou tels aspects d'autres cultures ou modes de vie qui nous paraissent «étranges» ?

• Comment apprendre à vivre avec ces sentiments d'insécurité (temporaires) que ces processus éveillent en nous ?

• Comment tirer profit des opportunités énormes qu'offrent de telles rencontres pour découvrir de nouvelles facettes de nos identités ?

v) Encourager les attitudes, les valeurs et les comportements positifs

Toutes ces phases sont basées sur la promotion de valeurs : droits de l'homme, reconnaissance, acceptation, tolérance active, respect, résolution pacifique des conflits et solidarité.

• Si nous proclamons le droit à la solidarité alors, comme le résume Jean-Marie Bergeret, nous avons aussi une obligation de solidarité. C'est vers ce type de conclusion que nous travaillons avec l'éducation interculturelle. Mais les jeunes ne changeront leurs attitudes et conclusions que pour eux-mêmes, et nous ne pouvons que contribuer au déroulement de ce processus en relevant continuellement avec eux divers défis.

• Si nous oeuvrons pour promouvoir ce genre d'attitudes, il sera plus facile d'encourager des comportements positifs à l'égard des personnes d'autres cultures. Mais nous devons tenir compte du fait que ces attitudes et comportements sont inconcevables sans le développement en parallèle d'autres qualités, comme l'honnêteté, la coopération, la communication, la réflexion critique et l'organisation.

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