Est-ouest : une nouvelle recherche
d'équilibre
Les nouveaux visages
de l'Europe
Qu'est-ce que l'Europe ?
Où commence-t-elle ? Où finit-elle ?
Combien de pays trouve-t-on en Europe ? Qui peut prétendre
être européen ? Existe-t-il une culture
européenne ? Qui s'en soucie ? Tenter d'apporter
des réponses à ces questions est devenu beaucoup
plus compliqué depuis fin 1989. La disparition de
l'Union soviétique ; les années de guerre
dans ce qu'était la Yougoslavie ; l'unification
de l'Allemagne ; l'indépendance de la République
tchèque et de la République slovaque ;
l'élargissement de l'Union européenne à
25 membres - les conséquences de ces transitions
sont énormes.
Quels ont été les changements majeurs depuis
1989 dans le pays dans lequel vous vivez ?
Bien que Strasbourg soit géographiquement
plus près de Prague que de Paris, il va falloir du
temps pour réduire les distances dans nos esprits.
Des changements d'une telle envergure suscitent de nombreuses
émotions : des espoirs pour une «Maison
européenne commune» avec des frontières
ouvertes ; la crainte de vagues de migration massives ;
des espoirs pour de nouvelles nations ; la peur de
conflits plus nombreux. Les relations entre les États
et les peuples, qui semblaient définies une fois
pour toutes, doivent être renégociées.
(Même cette affirmation peut être démontée
si vous considérez, par exemple, l'histoire de Chypre
ou de l'Irlande du Nord depuis les années 60). Notre
perception des uns des autres se fait plus complexe avec
les diverses versions de l'Europe qui voient le jour.
Des «Europes»
différentes
Le fait que les forces en faveur
de l'intégration se heurtent à de sérieuses
difficultés n'est pas un secret. On assiste à
une prise de conscience accrue selon laquelle les pays sont
constitués de personnes, avec des histoires et des
valeurs différentes ; ce ne sont pas seulement
des entités économiques qu'il faut rassembler
au profit d'économies d'échelle. L'élargissement
de l'Union Européenne, par exemple, s'est avéré
plus compliqué que prévu.
Une majorité d'électeurs en Norvège
(1972 et 1994) et en Suisse (1997 et 2001) ont voté
contre l'adhésion de leur pays à l'Union européenne
lors du référendum - à votre avis,
quelle en est la raison ?
Le Conseil de l'Europe
est à présent une organisation véritablement
paneuropéenne ; le nombre de ses Etats membres
est passé de 23 à 45 entre 1989 et 2003. La
Serbie-Monténégro, dernier membre en date,
a adhéré en avril 2003. Ces changements ont
installé un nouveau climat politique et amené
à repenser le rôle de l'organisation. Aussi,
lors du Sommet de Vienne en octobre 1993, les chefs d'Etat
et de gouvernement ont-ils consacré le Conseil de
l'Europe comme le gardien de la sécurité démocratique
- sur la base des droits de l'homme, de la démocratie
et de la primauté du droit. La sécurité
démocratique est un complément essentiel à
la sécurité militaire et une condition indispensable
à la stabilité et à la paix du continent.
Quelles sont, selon vous, les raisons pour lesquelles les
Etats-Unis, le Canada et certaines républiques d'Asie
centrale sont membres de l'Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE), laquelle compte
à présent 55 membres ? *
Les gouvernements et l'industrie intensifient
leur coopération sous toutes ses formes à
travers l'Europe. De leur côté, les syndicats,
les organisations de jeunesse et les projets culturels oeuvrent
avec leurs membres pour donner à l'Europe un visage
humain.
Quelles autres formes de coopération européenne
connaissez-vous ? Quels sont leurs succès et
leurs échecs ?
Ce qui est très intéressant,
c'est que tous les habitants ne se sentent pas européens.
Nous parlerons de l'identité dans le Chapitre 2,
mais, à ce stade, une question doit être posée :
Peut-on envisager une identité européenne ?
La coopération entre quelques pays, évoquée
précédemment, conduit logiquement à
l'exclusion des autres. Tandis que le contrôle aux
frontières disparaît entre certains pays européens,
les barrières qui les séparent des autres
grandissent. Un exemple peut être cité à
propos des effets immédiats des accords Schengen :
il s'agit d'accords intergouvernementaux qui visent à
abolir les contrôles douaniers entre les pays concernés,
à harmoniser les politiques en matière de
visas, à coordonner la prévention criminelle
et les opérations de recherche, et à favoriser
l'échange d'informations sur les demandeurs d'asile.
A l'heure où nous rédigeons ce document, ces
accords ont été ratifiés par les parlements
d'Autriche, de Belgique, du Danemark, de France, de Finlande,
d'Allemagne, d'Islande, d'Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas,
de Norvège, du Portugal, d'Espagne et de Suède,
les dix nouveaux Etats membres de l'UE se préparant
à s'y joindre.. Le jour de l'entrée en vigueur
de ces accords début 1995, il y avait des files d'attente
de 24 heures à la frontière germano-polonaise.
Avec le renforcement des frontières extérieures
de l'Europe, on pourrait parler de construction d'une «forteresse
européenne». Dans quelle mesure êtes-vous
d'accord avec cette analyse ?
Après avoir esquissé
les principaux développements sur notre continent
et ses relations avec les autres parties du monde, il est
temps d'analyser plus en profondeur ce qui se passe sur
le terrain.
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