Le racisme est la preuve de l'incapacité ou de l'impuissance à comprendre les problèmes des autres.

Roman Rares,
24 ans, Roumanie

La xénophobie est un traumatisme psychique qui résulte d'un événement dramatique lié à quelque chose de peu familier ou à quelqu'un d'un autre pays. Ce désordre se traduit par une peur irrationnelle de tout ce qui est étranger...

Anthony Bargilly,
17 ans, Chypre

Section 4

Histoires d'intolérance racontées par des jeunes

Bonjour, je m'appelle Mélanie et j'ai 21 ans. Le plus difficile pour moi, en tant que métisse (moitié ivoirienne, moitié suisse), est de ne jamais me sentir chez moi. Où que je sois, on me considère comme une étrangère, comme une «Blanche», ou comme une «Noire». C'est le cas en Suisse, le pays de ma mère, où j'habite, et ce fut aussi le cas lorsque je vivais chez mon père, en Côte d'Ivoire. Je me sentirais chez moi là où j'aurais l'impression que les gens m'acceptent telle que je suis !

Enfant, vous ne réalisez pas que vous êtes différent des autres. Mais, très vite, les autres se chargent de vous en faire prendre conscience - même les enfants peuvent adopter des attitudes très cruelles à l'égard d'un enfant «pas comme les autres».

Quelquefois, des choses incroyables se produisent. Il y a quelque temps, en Suisse, je traversais à vélo une petite place près de l'endroit où j'habite. Une voiture s'est arrêtée à ma hauteur, le chauffeur a baissé la vitre et m'a crié : «Sheiss-Neger - Sale négresse !». Je suis restée figée. Je me suis sentie désemparée et incapable de me défendre. J'ai vu que la plaque d'immatriculation était allemande, ce qui signifiait que le coupable lui-même était un étranger dans ce pays ! Alors comment pouvait-il oser m'insulter de la sorte ? J'ai eu envie de le tuer. Lorsque je me suis ressaisie, j'ai pu réfléchir à cette histoire plus sereinement. Ces racistes sont des gens stupides qui ne connaissent rien à la vie.

L'intolérance est vraiment ce qui me dérange le plus. Je pense que chacun est différent, et que chacun à droit à sa différence - sans exception, quelles que soient sa mentalité, la couleur de sa peau ou sa religion. Mais cette différence ne doit pas en faire des êtres humains de «seconde classe». Tolérer ne signifie pas être d'accord avec tout ; cela signifie simplement tenter d'accepter sans condition. Que les gens soient plus ouverts d'esprit à l'égard des étrangers et de leur mode de vie, tel est mon souhait !

Mélanie, 21 ans, Suisse

Mon nom est Nikola Bobann. Je suis moitié danois et moitié bosniaque. Je vous écris à propos d'un incident que j'ai vécu il y a trois ans. Je sortais juste d'une école de commerce et je postulais pour un emploi dans une grande entreprise très respectée. Je possédais tous les diplômes et les qualifications requises, et j'étais confiant. Alors j'ai décidé d'apporter ma candidature moi-même pour faire bonne impression.

L'entreprise m'a répondu que je recevrais une réponse dans un mois. J'ai attendu deux mois, puis j'ai décidé de retirer ma candidature. J'étais déçu mais, en même temps, je voulais connaître les raisons de ce silence.

Je me suis rendu dans cette entreprise pour la seconde fois, afin d'avoir un entretien avec le directeur. Il étais assis derrière une table couverte de papiers et me demanda pourquoi j'avais retiré ma candidature. Alors je lui répondis que je n'avais pas eu de réponse. Il attrapa deux piles de dossiers et me demanda mon nom. Je lui donnai mon nom, il parut surpris et me demanda d'où je venais. Je compris que dans l'une des piles se trouvaient les dossiers des candidats avec des noms danois et, dans l'autre, les dossiers des «étrangers».

A ce moment, je compris son air étonné. A cause de mes yeux bleus et de mes cheveux blonds, il avait crû que j'étais danois mais, d'après mon dossier, j'étais étranger.

Cette expérience m'a fait prendre conscience de l'existence du racisme, même dans les entreprises renommées supposées avoir une main-d'oeuvre intelligente.

Nikola Bobann, Danemark

Bonjour ! Mon nom est Juliana Violari. Je suis de Chypre, j'ai 18 ans et je suis moitié catholique, moitié orthodoxe. Mais il n'y a pas que ça. Je suis aussi née de parents qui vivent dans la zone turque depuis 1974. Pour mes études, je suis venue dans la partie sud de l'île. Lorsque j'avais 12 ans, j'ai quitté la maison pour aller à l'école à Nicosie. Je ne pouvais rendre visite à ma famille que pendant les congés scolaires, à Pâques, à Noël et pendant les vacances d'été. C'est ainsi que les choses se sont passées jusqu'à mes 17 ans. Mais, depuis l'année dernière, je n'ai plus le droit de rendre visite à ma famille. Mes parents ont le droit de venir me voir, moi, ainsi que mes frères et soeurs, une fois par mois.

Lorsque j'avais 13 ans, je suis allée chez mes parents pour Noël. J'y ai passé des vacances très agréables. A la fin des vacances, je suis retournée dans la zone grecque pour reprendre l'école. Mais les choses se sont compliquées. Arrivés à la «ligne verte», la police des frontières turque ne voulait pas nous laisser passer en zone grecque. Les policiers nous disaient que si nous passions de l'autre côté, nous n'obtiendrions plus jamais l'autorisation de rendre visite à notre famille. J'ai pensé que c'était la fin du monde. Je ne savais ni que faire ni que penser. Comment pouvaient-ils me demander une telle chose ? Comment pouvaient-ils m'empêcher d'être chez moi, avec ma famille ? Comment ? Mais je ne pouvais rien y faire. Les Turcs pensaient que c'était la seule façon de nous faire quitter nos maisons. Mais ils n'y réussirent pas. Par la suite, plusieurs problèmes se sont posés, mais je ne me suis jamais sentie aussi mal que ce jour là. Malgré tous ces problèmes, ma famille n'a jamais envisagé de quitter sa maison pour vivre du côté grec. J'espère simplement ne plus jamais ressentir cela. Après tous, c'est un des droits de l'homme que de pouvoir vivre où l'on veut dans son propre pays. Et tous ces problèmes parce que je suis grecque et qu'ils sont turcs. Tout est là.

Juliana Violari, 18 ans, Chypre

J'ai 24 ans, je suis Juif hongrois et je vis à Budapest. Lorsque j'étais encore au lycée, j'ai ressenti l'intolérance plus que jamais. Une fois, en classe de chimie, nous étudiions la méthode de fabrication du savon. A un moment donné, l'un de mes collègues assis au premier rang s'est retourné vers moi et a crié : «Gabor, est-ce que tu entends ça ?». Dans ce contexte, ce qu'il insinuait était très clair. J'ai aussi trouvé des phrases écrites sur le tableau, du style : «Gabor ! Retourne en Israël !», ou «Juif puant !». Les mots de Juif ou de Gitan étaient toujours utilisés de manière grossière. Les professeurs ne sont jamais intervenus.

Gabor Rona, 24 ans, Budapest

Bonjour ! Je suis Anna, de Pologne, et j'ai 20 ans. Je voudrais vous raconter une histoire qui m'a fait beaucoup de peine. Cela s'est passé il y a un an déjà, mais je m'en rappelle encore parfaitement. J'était en Hollande, dans le cadre d'un échange d'étudiant. Je vivais dans une famille très gentille, dont la fille Sandra m'a rendu visite par la suite en Pologne. En rentrant d'un après-midi de shopping, Sandra et moi avons rencontré un voisin à elle. Il n'a dit bonjour qu'à Sandra, m'ignorant totalement, et s'est mis à lui parler en danois. Je ne comprends pas cette langue, mais j'ai eu l'impression qu'il parlait de moi. Après son départ, j'ai demandé à Sandra de me dire ce qu'il lui avait raconté. Voici le bref dialogue que Sandra avait eu avec son voisin.

Sandra : «Bonjour, comment vas-tu ?»

Lui : «Très bien. Je n'ai pas de Polonais à la maison, moi.»

Pour moi, ce fut vraiment terrible - Je ne comprenais pas pourquoi mon amie ne lui avait pas reproché ses paroles. Sa mère m'a expliqué que ce garçon était probablement jaloux de ne pas pouvoir inviter un étranger à la maison. En ce qui me concerne, je ne sais pas. En tous cas, ce garçon n'était même pas conscient de la stupidité de son comportement. De tels comportements sont vraiment déplorables !

Anna Smolen, 20 ans, Pologne

Mon nom est Daniel, j'ai 21 ans et je vis au Danemark. Je vous écrit à propos d'un incident qui m'est arrivé il y a trois ans. J'étais à un anniversaire chez mes meilleurs amis et nous faisions tous la fête. Puis, nous avons décidé d'aller finir la soirée en discothèque en ville. Arrivé en boîte, le groupe s'est séparé et je me suis rendu au bar pour boire un verre.

Au bar, j'ai remarqué un homme qui me regardait bizarrement. Je n'aimais pas son regard et cette situation me mettait mal à l'aise, mais je n'y ai pas vraiment pris garde. Soudain, l'homme s'est rapproché de moi et m'a demandé où j'avais acheté ma cravate. Je pensais que c'était une drôle de question, mais je n'y ai pas fait attention, car je me sentais bien disposé et j'avais envie de rencontrer de nouvelles personnes. J'ai répondu à sa question et, soudain, il a sorti un couteau de sa poche, a agrippé ma cravate et l'a coupée net. Puis, il a porté un coup de couteau en direction de mes hanches et est parti. Tout cela s'est passé dans la discothèque. J'étais choqué, et ma première idée a été de partir en courant. En allant récupérer ma veste, j'ai remarqué que je saignais. Je n'avais pas mal et cela n'avait pas l'air grave, mais j'étais effrayé. La police est arrivée et je leur ai raconté ce qui s'était passé. Ils ont attrapé le responsable, mais n'ont rien pu faire, car ils n'ont trouvé ni témoins, ni arme du crime. L'homme a été relâché.

Depuis, j'ai eu beaucoup de problèmes. J'avais peur tout le temps et je me sentais mal à l'aise dans la foule. Je ne faisais plus confiance à personne - et j'ai perdu beaucoup d'amis. J'ai suivi une thérapie de groupe, sans résultat.

Je me demande souvent si l'homme qui m'a poignardé se rend compte de ce qu'il a fait cette nuit là.

Daniel, 21 ans, Danemark

Bonjour ! Mon nom est Marcella et j'ai 23 ans. Je suis né en Colombie, mais je vis en Suède depuis 5 ans. Les raisons pour lesquelles j'ai quitté la Colombie sont assez complexes, mais l'une d'entre elles est le fait que je suis transsexuel. Pour ceux qui ne savent pas ce que s'est, je vais l'expliquer brièvement. Je suis né avec le corps d'un garçon mais, au plus profond de moi, j'ai toujours su que j'étais une femme. Pour pouvoir vivre, j'ai entamé un long processus ; je suis aujourd'hui au milieu du chemin. Pour l'instant, je n'ai pas encore changé de sexe, mais je prends des hormones et, à présent, j'ai vraiment l'air d'une femme. C'est très dur d'être colombien, transsexuel et de vivre en Suède. Souvent, je subis une double discrimination, si vous voyez ce que je veux dire. J'ai été battu, physiquement, mais aussi par des mots. Jusqu'à présent, ma vie est un enfer, mais je suis très heureux de pouvoir changer de sexe. J'espère qu'un jour les gens m'accepteront pour ce que je suis. Je ne suis ni pervers, ni bizarre en aucune façon, je suis simplement quelqu'un qui veut vivre heureux.

Marcella, 23 ans, Suède

Mon nom est Tedros Tesfaye et j'ai 20 ans. Je suis né en Éthiopie, mais je vis aujourd'hui en Suède. Je veux vous raconter l'histoire de discrimination que j'ai vécue. Durant l'été 1992, j'étais à Stockholm avec deux amis. Nous avions passé la soirée dans un club gay et avions décidé d'aller manger un hamburger au McDonald. Nous avions pris part à une soirée déguisée et, par conséquent, nous étions habillés de manière «différente».

Au McDonald, la plupart des gens nous trouvaient drôles, et nous n'avions pas l'air de les déranger. Mais il y avait un type qui ne semblait pas apprécier notre apparence. Il était très ivre et commença à nous interpeller. Il me demanda si j'étais un pédé, et je lui répondis : «Oui, ça vous gêne ?». Bien sûr, ça le gênait. Il me dit alors qu'il aurait voulu me voir mort. Il voulait que je creuse ma propre tombe, puis il voulait m'étrangler. J'étais bouleversé et, lorsque ses amis sont arrivés, je suis parti en courant. La dernière chose que j'ai entendue c'est que j'étais un sale nègre et un pédé qui n'avait pas le droit de vivre. Je n'oublierais jamais cette scène mais, une chose est sûre, personne ne m'enlèvera jamais ma dignité.

Tedros Tesfaye, 20 ans, Noir, pédé et heureux, Suède

La lecture de ces témoignages soulève de nombreuses questions sur l'identité, et amène chacun de nous à s'interroger sur a) l'image qu'il a de lui-même et b) l'image que les autres lui renvoient. Vous jugerez peut-être utile de vous référer au débat et aux activités sur le thème de « l'oignon de l'identité » qui figurent dans le Kit pédagogique.

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