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La sécurité humaine

"La sécurité humaine est synonyme de la "sécurité du peuple" ... L'objectif de la sécurité humaine est la sécurité et la survie du peuple."

Dr Sverre Lodgaard

 

Le concept de sécurité humaine n'est apparu sur la scène mondiale que vers la fin du 20ème siècle. Avant cela, pendant plus de trois siècles, l'idée de sureté de l'Etat était un concept familier et accepté. Les Etats avaient le droit de défendre leur intégrité territoriale contre les menaces extérieures - et du reste, on attendait d'eux qu'ils exercent ce droit -, et des mesures spéciales étaient même permises à cette fin. Mais cette notion de sureté - ou de sécurité -, du moins au niveau international, s'arrêtait aux frontières de l'Etat.

Le discours sur la sécurité a évolué dans les années 1990; la communauté internationale a commencé à accepter l'importance de mesures spéciales pour défendre non seulement les Etats, mais également les peuples des menaces pesant sur leur sécurité, même lorsque cela contrariait les souhaits du gouvernement concerné. Bien sûr, même avant cela, on utilisait le mot "sécurité" en référence au peuple, mais le changement radical des années 1990 s'est opéré au niveau du discours international: pour la première fois, la défense d'un peuple, précédemment jugée comme du ressort souverain des Etats individuels, devint potentiellement l'affaire de la communauté internationale.

Le discours a changé, les actions aussi...

Les actions de sécurité collective - impliquant des coalitions de nations sous la conduite des Nations Unies - n'étaient plus nécessairement lancées pour garantir la sécurité des Etats, mais d'abord au nom de la sécurité des peuples. Des événements précédemment qualifiés en ces seuls termes de désastres humanitaires ont été redéfinis en termes de paix et de sécurité. Il s'agissait ce faisant de justifier des mesures coercitives internationales, dont l'un des premiers exemples fut le programme humanitaire en Somalie (1992-93), alors que le Conseil de sécurité des Nations Unies estimait que

 

"l'importance de cette tragédie humaine... constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales"

 

L'Opération des Nations Unies en Somalie (UNOSOM) a été lancée 1992, afin de contrôler le respect du cessez-le-feu à Mogadiscio et d'escorter les envois de l'aide humanitaire jusque dans les centres de distribution de la ville. Le mandat et la force de la mission ont par la suite été étendus pour lui permettre de protéger les convois humanitaires et les centres de distribution dans tout le pays.

"Le Conseil de sécurité

Ayant à l'esprit les buts et les principes consacrés par la Charte des Nations Unies, ainsi que la responsabilité principale du Conseil de sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales,

Résolu à remédier à la situation humanitaire grave qui existe au Kosovo (République fédérale de Yougoslavie) et à faire en sorte que tous les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et liberté,

Considérant que la situation dans la région continue de constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales... et agissant à ces fins en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

...Décide que les responsabilités de la présence internationale de sécurité qui sera déployée et agira au Kosovo incluront les suivantes :

a) Prévenir la reprise des hostilités...;

b) Démilitariser l'Armée de libération du Kosovo (ALK)...;

c) Établir un environnement sûr pour que les réfugiés et les personnes déplacées puissent rentrer chez eux...et que l'aide humanitaire puisse être acheminée;

d) Assurer le maintien de l'ordre et la sécurité publics..."

Extraits de la Résolution 1244 (1999), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4011e séance, le 10 juin 1999.

 

 

Deux aspects du changement

L'extrait ci-dessus de la résolution des Nations Unies sur le Kosovo illustre les deux changements fondamentaux survenus dans la classification des problèmes menaçant la sécurité internationale:

  1. les types d'événements qui sont désormais considérés comme menaçant la sécurité;
  2. l'élargissement des préoccupations sécuritaires pour englober les événements internes à un Etat aussi bien que les conflits opposant les Etats.

D'où vient ce changement?

Plusieurs facteurs ont déclenché cette évolution d'une vision de la sécurité axée sur les Etats vers une sécurité ciblée sur les peuples. La fin de la Guerre froide fait sans doute partie des facteurs influents, car elle a permis aux intérêts des gouvernements et des peuples - jusqu'alors cachés - de faire surface. Du coup, on a vu exploser des conflits complexes et pervers, souvent civils, où l'importance des pertes civiles imposait un nouveau type de réaction.

La prise de conscience que la défense des peuples nécessitait parfois une réponse internationale n'était certes pas neuve, mais "s'ingérer" dans ce qu'on tenait jusqu'ici pour des affaires purement intérieures n'était jugé ni possible ni souhaitable. Pourtant, à partir de ce moment, le souci croissant de protéger les droits de l'homme dans le monde a abouti à une sorte de justification qui était, sinon universelle, en tout cas très largement acceptable: les droits de l'homme concernent en effet les peuples plus que les Etats et tous les pays du monde affichent leur accord de principe sur ces normes.

Dans quelle mesure les politiques intérieures des nations doivent-elles être soumises à l'examen de la communauté internationale?

"La sécurité est la condition qui rend possible le reste."

Emma Rothschild

 

Les intérêts de l'individu ou ceux de l'Etat?

L'idée qui sous-tend les droits de l'homme est qu'il existe un certain niveau de dignité humaine qui ne saurait subir l'empiètement d'aucun gouvernement ni individu. Ainsi, embrasser les droits de l'homme signifie forcément pour les Etats l'abandon d'une partie de leur souveraineté, au sens premier du terme. En ratifiant des instruments de droits de l'homme internationalement acceptés, ils ont décidé de mettre l'individu au premier plan de toutes leurs initiatives et donc renoncé à leur capacité à faire absolument n'importe quoi au nom des intérêts de l'Etat.

C'est là l'idée qui a gagné du terrain ces dix dernières années dans le domaine des relations internationales. Elle s'est traduite non seulement par un nombre croissant de missions des Nations Unies - avec un mandat beaucoup plus large qu'autrefois -, mais aussi par une pression en faveur de la constitution d'une Cour pénale internationale permanente, ou les violeurs des droits de l'homme pourraient être jugés hors des frontières de n'importe quel Etat.

La Cour pénale internationale

La communauté internationale s'est réunie à Rome, en Italie, du 15 juin au 17 juillet 1998 pour finaliser un projet de statut qui, une fois ratifié par au moins soixante pays, établira une Cour pénale internationale (CPI). Il s'agira d'une Cour permanente chargée de juger les individus accusés de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.

 

Des débats toujours d'actualité: ne plus éprouver le "besoin" »

On fait souvent remonter les origines de focalisation sur la sécurité humaine à la publication d'un Programme pour la paix du Secrétaire Général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali en 1992. Ce document suggérait que les menaces pesant sur la sécurité mondiale n'étaient pas que militaires:

"Une couche d'ozone poreuse pourrait constituer une menace plus grave pour une population exposée qu'une armée hostile. Sécheresses et maladies peuvent décimer aussi impitoyablement que les armes de guerre."

Il a été suggéré que la crise environnementale, la pauvreté, la famine et l'oppression n'étaient pas seulement des questions de sécurité critiques en soi, mais qu'elles étaient aussi des causes et des conséquences des conflits.

Le rapport sur le développement humain de 1994 - produit dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement - a repris cette idée d'une interprétation plus large du concept de sécurité, en suggérant que ce concept pouvait être décomposé en deux idées:

  1. "protection face aux perturbations soudaines et douloureuses dans le rythme de nos vies quotidiennes," (connue sous le nom de "absence de peur"); et
  2. "sécurité devant les menaces constantes de la faim, de la maladie, du crime et de la répression," (connue sous le nom de "absence de besoin").

Le rapport a affiné ces concepts pour identifier sept composantes distinctes de la sécurité humaine:

  • sécurité économique (revenu minimum garanti);
  • sécurité alimentaire (accès physique et économique à la nourriture);
  • sécurité sanitaire (absence relative de maladie et d'infection);
  • sécurité environnementale (accès à des réserves d'eau saine, à l'air propre et à des terres non dégradées);
  • sécurité personnelle (sécurité devant la violence physique et les menaces);
  • sécurité communautaire (préservation de l'identité culturelle);
  • sécurité politique (protection des libertés et des droits humains fondamentaux).

La jeunesse et la sécurité humaine

Les organisations de jeunesse investies dans des projets et des activités en faveur de la paix, de l'éducation aux droits de l'homme, de l'environnement ou de la lutte contre la faim, par exemple, oeuvrent pour une plus grande sécurité humaine: elles visent à développer les conditions susceptibles de conférer aux individus davantage d'indépendance face au besoin et de les libérer de la peur.

 

Cependant, cette conception très large de la sécurité humaine a beaucoup de détracteurs pour qui ce concept "fourre-tout" perd de son utilité comme outil stratégique. En particulier, l'un des membres fondateurs du "Partenariat pour la sécurité humaine", le ministère canadien des Affaires étrangères et du Commerce international (DFAIT), en propose une définition beaucoup plus étroite: "La sécurité humaine consiste en la protection des personnes contre les menaces, qu'elles soient physiques ou pas. C'est une condition ou un état caractérisé par l'absence de menaces contre les droits des personnes, leur sécurité, voire leur vie... Le test décisif pour savoir s'il importe de poser la question de la sécurité des gens, c'est le degré de risque pesant sur leur sureté."

Quels sont les avantages et les inconvénients d'étendre le concept de sécurité au point d'inclure l'absence de "besoin" aussi bien que l'absence de peur?

Le programme pour la sécurité humaine

En dépit de la diversité des interprétations et des définitions, les différents concepts de la sécurité humaine présentent bien des points de ressemblance. Les caractéristiques qui suivent semblent devoir former la trame de tout programme de sécurité humaine.

  • En termes de sécurité, la priorité est passée de l'Etat au peuple. C'est là une des contributions majeures du concept de sécurité humaine. Ainsi que nous l'avons vu précédemment, pendant des siècles, la sureté concernait la nation ou l'Etat; à présent, la notion de sécurité humaine réunit des experts internationaux pour discuter du bien-être et de la sécurité des personnes, et plus seulement des Etats.
  • Cela implique de remettre l'accent sur les obligations des Etats à l'égard de la sécurité de leurs citoyens. Parler de la sécurité des personnes contraint les Etats à l'assurer.

"... les gens honnêtes ne peuvent rester passifs devant les massacres systématiques d'autres peuples commis par leurs Etats. Les personnes dignes de ce nom ne peuvent l'admettre et manquer de leur venir en aide si cette action de secours est en leur pouvoir."

Vaclav Havel

 

  • Cela exige aussi de reconnaître l'interrelation entre les individus et la nature interdépendante du monde; de reconnaître également que bien des problèmes franchissent les frontières et d'autres obstacles - ils n'ont pas de passeports et ne peuvent être stoppés aux frontieres politiques! Les hommes et les femmes des pays industrialisés, par exemple, ne sont pas à l'écart de la pauvreté qui règne dans les pays émergents, comme le prouvent les flux migratoires et les maladies; quant aux habitants des pays émergents, ils sont exposés à la pollution industrielle produite par les usines des pays du Nord.
  • Cela signifie de reconnaître l'importance des acteurs non-étatiques. La campagne internationale contre les mines antipersonnel est souvent citée comme une initiative efficace des ONG. La société civile recherche davantage de possibilités et une plus grande responsabilité s'agissant de promouvoir la sécurité humaine. Bien souvent, les ONG se sont avérées des partenaires extrêmement efficaces pour défendre la sécurité du peuple."34
  • Cela exige que les auteurs de violations des droits de l'homme et du droit humanitaire soient tenus de rendre compte de leurs actes. La création de la Cour pénale internationale et des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda est considérée comme une avancée importante du programme pour la sécurité humaine.
  • Cela met en lumière la complexité des questions de sécurité, renforçant par conséquent la nécessité de réactions plurielles. Entre autres utilisations de la sécurité humaine, on convient qu'il s'agit d'un concept à multiples facettes nécessitant la coordination et la collaboration d'un large éventail d'acteurs. Une des réponses qui s'impose est celle qui consiste à préférer le "pouvoir doux" ou la persuasion à la puissance et au matériel militaires ("des idées puissantes plutôt que des armes puissantes").35

La sûreté personnelle et la Convention européenne des droits de l'homme

Le droit à la liberté et à la sûreté est protégé par l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. L'importance de cet article 5 n'a pas tardé à se manifester dans certaines des premières affaires jugées à Strasbourg. Parmi les 10 000 premières affaires, près d'un tiers étaient introduites par des individus privés de liberté.

Cet article concerne la protection de la liberté physique, et notamment la liberté à l'égard de l'arrestation ou de la détention arbitraire. Il garantit certains droits procéduraux fondamentaux, comme celui d'être promptement informé de la raison de son arrestation, le droit à être rapidement présenté à un magistrat et le droit à introduire des recours visant à faire statuer rapidement par un tribunal de la légalité de la détention ou de sa poursuite.

Entre autres exemples d'affaires relevant de l'article 5 jugées par la Cour européenne des droits de l'homme:

  1. Bozano c/ France, 1986
    La Cour a jugé que les circonstances entourant l'arrestation et l'expulsion du requérant de France vers la Suisse n'étaient ni licites ni compatibles avec le droit à la sûreté personelle.
  2. Brogan et autres c/ le Royaume-Uni, 1988
    La Cour a jugé que la détention des requérants pendant plus de quatre jours en vertu de la loi de lutte contre le terrorisme, sans que la légalité de cette détention soit tranchée, violait leur droit à être promptement présentés à un officier de justice.
  3. De Wilde, Ooms et Versyp c/Belgique, 1970/71
    Cour a jugé que les procédures ouvertes aux requérants pour contester la légalité de leur détention en vertu de la loi sur le vagabondage ne leur donnaient pas accès aux garanties nécessaires pour contester leur longue privation de liberté qui allait de sept mois à un an et neuf mois.

Références

Annan, K., «Two concepts of sovereignty» , The Economist, 18 September 1999.

Charter of the United Nations, www.un.org/peace

www.humansecuritynetwork.org

Lodgaard, S., «La sécurité humaine: concept and operationalization» , Norwegian Institute of International Affairs, unpublished, 2000.

Rothschild, E., «What is security?» , DAEDALUS, the Journal of the American Academy of Arts and Sciences, Vol. 124, No. 3, Summer 1995.

Rapport sur le développement humain 1994, Programme de développement des Nations Unies, www.undp.org.

Ministère des Affaires étrangères et du Commerce International du Canada, www.dfait-maeci.gc.ca/foreignp/humansecurity

Notes

34. Canadian Department for Foreign Affairs and International Trade (DFAIT), www.dfait-maeci.gc.ca/foreignp/humansecurity .

35. Hay, R., Peace building during peace support operations: a survey and analysis of recent missions, 1999.