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La protection juridique des droits de l'homme

«The law does not change the heart, but it does restrain the heartless.»

Martin Luther King

Nous savons déjà que les droits de l'homme sont inaliénables et que tout être humain les possède. Mais comment accéder à ces droits? Où trouver la preuve que ces droits ont été formellement reconnus par les Etats? Et comment ces droits sont-ils mis en œuvre?

Les droits de l'homme sont reconnus par des conventions

Au niveau international, les Etats se sont associés pour élaborer un certain nombre de conventions sur la question des droits de l'homme. Ces conventions établissent des normes relatives à la conduite des Etats et leur imposent certaines obligations à l'égard des individus. Ces conventions peuvent être de deux sortes en ce qu'elles peuvent avoir force obligatoire ou pas.

Un document obligatoire - il s'agit généralement d'un traité, d'une convention ou d'un pacte - matérialise l'engagement d'un Etat à appliquer certains droits au niveau national. De façon individuelle, les Etats doivent manifester leur volonté d'être liés, par exemple par le biais de la ratification ou de l'accession. (Le fait de simplement signer le document ne lui donne pas force exécutoire.) Les Etats sont généralement autorisés à faire des réserves ou des déclarations qui les exemptent de certaines dispositions prévues par le document, l'idée étant avec cette «souplesse» d'amener le plus grand nombre d'Etats à signer le document en question. Car, après tout, mieux vaut un Etat qui s'engage à respecter quelques-unes des dispositions plutôt qu'aucune! Ceci dit, ce mécanisme peut parfois ouvrir la voie à des abus et servir de prétexte au déni de droits de l'homme fondamentaux, par exemple en permettant qu'un Etat "échappe" à la surveillance internationale dans certains domaines.

Pourquoi pensez-vous que même les Etats présentant de piètres états de service en matière de droits de l'homme sont prêts à signer des conventions internationales en la matière?

Par contraste, un instrument qui n'a pas force obligatoire n'est en fait qu'une déclaration ou l'accord politique d'un Etat à déployer tous les efforts possibles pour garantir un certain nombre de droits, sans pour autant être tenu par la moindre obligation juridique. Dans la pratique, cela signifie qu'il n'existe alors aucun mécanisme formel (ou juridique) de mise en œuvre.

Quelle est la valeur de la simple "promesse" de respect des normes en matière de droits de l'homme, sans mécanismes juridiques à l'appui? Est-ce mieux que rien?

Une déclaration émanant des Nations Unies, ou un document sans force obligatoire, est généralement le résultat d'une réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies ou d'une conférence tenue sur un thème spécifique. Tous les Etats, simplement parce qu'ils sont membres des Nations Unies ou parce qu'ils prennent part à la conférence, sont considérés comme en accord avec la déclaration prononcée. La reconnaissance de droits de l'homme peut aussi, au niveau national, être le résultat d'un pacte entre un Etat et son peuple. Lorsque des droits de l'homme sont reconnus au niveau national, ils deviennent en premier lieu un engagement de l'Etat vis-à-vis de son peuple.

Les instruments internationaux clés

Les droits de l'homme gagnent en importance tous les jours et font l'objet d'une protection sans cesse renforcée; ce n'est pas une victoire seulement pour les militants des droits de l'homme, mais pour tous les individus en général. En guise de corollaire à ce succès, un ensemble vaste et complexe de textes (instruments) relatifs aux droits de l'homme, ainsi que les procédures de leur mise en œuvre, se développent.

Les instruments des droits de l'homme sont habituellement classés en trois catégories principales selon leur portée géographique (régionale ou universelle), la catégorie des droits garantis et les personnes ou groupes à qui cette protection est accordée.

A titre d'exemple, au seul niveau des Nations Unies, il existe plus d'une centaine de documents consacrés aux droits de l'homme; imaginez alors tous les instruments qui peuvent exister au niveau régional! Il serait impossible de les examiner tous ici. Par conséquent, cette section n'abordera que les documents les plus pertinents:

  • les documents qui ont été largement acceptés et ont posé les bases du développement d'autres instruments relatifs aux droits de l'homme;
  • les documents en vigueur en Europe;
  • les documents qui touchent aux questions universelles explorées dans ce manuel

La Charte internationale des droits de l'homme

L'instrument global majeur en matière de droits de l'homme est la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), adoptée en 1948 par l'Assemblée générale des Nations Unies. La reconnaissance dont jouit la DUDH est aujourd'hui à ce point généralisée qu'elle est considérée comme obligatoire en vertu du droit coutumier international, alors qu'elle ne l'est pas à l'origine.

La DUDH est formée d'une préface et de 30 articles qui énoncent les droits de l'homme et les libertés fondamentales auxquels tous les hommes et les femmes, partout dans le monde, peuvent prétendre, sans discrimination. Elle garantit à la fois des droits civils et politiques, et des droits sociaux, économiques et culturels.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIRDESC) sont toux deux entrés en vigueur en 1976; ce sont les principaux instruments ayant force obligatoire bénéficiant d'une application mondiale. Avec la DUDH, ils forment la Charte internationale des droits de l'homme. Chacun d'entre eux, comme leurs noms l'indiquent, garantit une catégorie de droits différents.

La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

C'est le premier document de l'Union européenne relatif aux droits de l'homme. Il regroupe au sein d'un seul et unique texte les droits civils, politiques, économiques, sociaux et sociétaux déjà prévus par divers supports internationaux, européens et nationaux. Il a été proclamé conjointement par le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne à Nice, les 7 et 9 décembre 2000. A la différence des conventions du Conseil de l'Europe, il n'a pas force obligatoire et ne s'applique qu'à l'Union européenne.

Tandis que les droits prévus par le PIRDCP s'appliquent dès lors que l'Etat a accepté d'y être lié, les droits du PIRDESC peuvent n'entrer en vigueur que progressivement. (Ce qui place l'Etat dans l'obligation de développer des politiques et des législations susceptibles d'épauler la pleine réalisation de ces droits.) Les pactes font l'objet d'une approche différente car, d'une manière générale, les droits économiques, sociaux et culturels ne peuvent être assurés de façon instantanée.

Pensez-vous qu'il soit bien que les droits civils et politiques soient censés être appliqués immédiatement, alors que les droits économiques et sociaux ne le sont que progressivement?

Les instruments européens

Quatre des cinq régions du monde ont développé des systèmes pour la protection des droits de l'homme. Aux Etats-Unis, il existe l'Organisation des Etats Américains (OEA). Le principal instrument ayant force de loi est la Convention américaine des droits de l'homme de 1969. En Afrique, il y a la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée en 1986 au sein de l'Union africaine (aujourd'hui connue sous le nom d'Organisation de l'Unité Africaine). Sur le continent asiatique, aucun système n'a encore réellement été mis en place; le seul instrument régional en matière de droits de l'homme est une déclaration non-obligatoire - la Déclaration asiatique des droits de l'homme. Et en Europe? L'Europe dispose bien évidemment d'un système solide pour la protection des droits de l'homme, sur l'initiative du Conseil de l'Europe

Selon vous, pourquoi les différentes régions ont-elles jugé nécessaire de mettre en place leur propre système en matière de droits de l'homme?

Le principal instrument relatif aux droits de l'homme est la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (également appelée Convention européenne des droits de l'homme - CEDH). Ce texte a été accepté par l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe en tant que condition à l'adhésion à l'Organisation. Il a été adopté en 1950 mais n'est entré en vigueur que trois ans plus tard. Il définit les droits civils et politiques, et sa force majeure réside dans le mécanisme de mise en œuvre qui lui est associé - la Cour européenne des droits de l'homme. Cette cour et sa jurisprudence suscitent l'admiration du monde entier; les Nations Unies et les tribunaux constitutionnels dans de nombreux pays et d'autres systèmes régionaux y font souvent référence.

Tout comme au niveau des Nations Unies, les droits économiques et sociaux en Europe sont prévus dans un document séparé. La Charte sociale européenne (révisée), qui a force obligatoire, énonce des droits visant à préserver le niveau de vie des citoyens en Europe. La charte a été signée par trente-deux membres et, à la fin de l'année 2001-, ratifiée par douze d'entre eux.

 

La protection de groupes spécifiques

«Je me vois dans les yeux de chaque étranger.»

Roger Waters

Certains instruments établissent les droits de groupes spécifiques. Ces mécanismes de protection spéciaux trouvent leur raison d'être dans la discrimination subie par certains groupes, mais aussi dans la position défavorisée et vulnérable qu'occupent certains d'entre eux dans la société. Parmi les groupes bénéficiant d'une protection spéciale, il faut citer:

Les minorités

Elles sont protégées:

  • Au niveau des Nations Unies, par la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée en 1992, et par la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.
  • Au niveau européen, par un instrument ayant force obligatoire, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, qui a mis en place un organe de surveillance formé d'experts indépendants: le Comité consultatif sur la Convention-cadre.
  • Et, enfin, du fait de la place spéciale qui leur est réservée au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), par le Haut-Commissaire aux minorités et les documents afférents de l'OSCE.

Les enfants

L'essentiel de leur protection est assuré au niveau des Nations Unies par la Convention relative aux droits de l'enfant (CRC) de 1990, la plus largement ratifiée (exception faite des Etats-Unis et de la Somalie). Sur le continent africain, la Charte africaine relative aux droits et au bien-être de l'enfant garantit les droits fondamentaux des enfants en tenant compte des spécificités liées au continent. Elle est entrée en vigueur en 1999.

Les réfugiés

Les droits des réfugiés sont spécifiquement protégés par la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). La seule région dotée d'un instrument spécifique pour la protection des réfugiées est l'Afrique qui, en 1969, a adopté la Convention régissant les aspects spécifiques des réfugiés. En Europe, la CEDH offre également des protections supplémentaires.

Les femmes

Dans une tentative pour promouvoir au plan mondial l'égalité entre les sexes, les droits des femmes sont protégés par la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) de 1979.

Les autres groupes vulnérables

Des groupes tels que les travailleurs et les personnes détenues bénéficient également d'une protection spécifique du fait de leur position vulnérable, véritable porte ouverte aux abus de toutes sortes. D'autres groupes, tels que les peuples autochtones, n'ont pas cette chance, en dépit du combat qu'ils mènent depuis des années pour défendre leurs droits en tant que groupes.

Pensez-vous que certains groupes, dans votre société, ont besoin d'une protection spéciale?

Lutter contre le racisme et l'intolérance

Le Protocole 12 de la CEDH

La CEDH a fait l'objet d'un nouveau Protocole adopté en 2000: le Protocole 12. Pour l'instant, il a été signé par vingt-sept Etats et ratifié par un seul d'entre eux. Il entrera en vigueur dès que dix Etats l'auront ratifié. Il est principalement axé sur l'interdiction de la discrimination. La CEDH garantit déjà le droit à ne pas faire l'objet de discrimination (article 14), mais cette disposition est apparue insuffisante au regard de celles prévues par d'autres instruments internationaux tels que la DUDH et le PIRDCP. La principale raison en est que l'article 14, à la différence des autres, ne contient pas une interdiction de discrimination indépendante; en fait, il interdit la discrimination seulement au regard de la "jouissance des droits et des libertés" prévus par la Convention. Lorsque ce protocole entrera en vigueur, l'interdiction de discrimination aura une "vie indépendante" des autres dispositions de la CEDH.

La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) est un mécanisme qui a été institué par le premier Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe en 1993. La mission de l'ECRI est de combattre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance au niveau de l'Europe dans son ensemble et dans la perspective de la protection des droits de l'homme. L'action de l'ECRI englobe toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la violence, la discrimination et les préjugés rencontrés par des personnes ou des groupes, notamment pour des motifs de race, de couleur, de langue, de religion, de nationalité et d'origine ethnique et nationale.

Les membres de l'ECRI sont désignés par leur gouvernement sur la base de leurs connaissances approfondies dans le domaine de la lutte contre l'intolérance. Ils sont nommés en leur capacité personnelle et siègent à titre indépendant.

Le programme d'activités de l'ECRI est composé de trois volets: 

  • Approche pays par pays: l'ECRI examine de près la situation dans chacun des Etats membres du Conseil de l'Europe et formule, suite à ses analyses, des suggestions et propositions pour le traitement des problèmes identifiés.
  • Travaux sur des thèmes généraux: collecte et diffusion de "bonnes pratiques" sur des sujets spécifiques afin d'illustrer les recommandations de l'ECRI, et adoption de recommandations de politique générale.
  • Relations avec la société civile: organisation de sessions d'information et de sensibilisation dans les Etats membres, coordination des ONG nationales et locales, communication au grand public du message antiraciste de l'ECRI et production de supports pédagogiques.

L'application des droits de l'homme

Comment garantir que ces mécanismes de protection fonctionnent? Qui _ ou quoi - garantit que les Etats respectent leurs obligations? Les principales instances de surveillance sont des commissions ou des comités et des tribunaux, tous composés de membres indépendants - experts et juges - qui ne représentent pas un unique Etat. Les principaux mécanismes employés par ces instances sont les suivants:

  1. les plaintes (introduites par des individus, des groupes ou des Etats);
  2. les procédures judiciaires;
  3. les procédures de rapport.

Tous les instruments ou systèmes régionaux en matière de droits de l'homme n'utilisent pas les mêmes procédures pour l'application des droits de l'homme. Aussi, quelques exemples vous aideront-ils à mieux comprendre.

Les plaintes

Les plaintes à l'encontre d'un Etat sont introduites devant une commission ou un comité; il s'agit d'une procédure quasi-judiciaire. L'instance de surveillance va alors prendre une décision à laquelle les Etats vont devoir se plier, malgré l'absence de procédure judiciaire de mise en application. Souvent, l'Etat doit fournir une déclaration ou la ratification supplémentaire d'un protocole facultatif de manière à signifier son acceptation du système de plainte. Le Comité des droits de l'homme et le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (au sein du système des Nations Unies), ainsi que la Commission interaméricaine des droits de l'homme (dans le cadre de l'Organisation des Etats Américains) sont des exemples d'instances chargées d'administrer ces plaintes.

Devrait-il y avoir un mécanisme juridique chargé de veiller à l'application des normes en matière de droits de l'homme? Quelles sanctions pourraient être prévues?

Les procédures judiciaires

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)

Des délégations du CPT effectuent périodiquement des visites dans les Etats parties à la Convention; elles peuvent aussi, si nécessaire, organiser des visites "ad hoc". En 2001, le CPT a effectué dix-huit visites, notamment en Suisse, dans la Fédération de Russie (République de Tchétchénie), à Malte et en Espagne.

Une des fonctions essentielles du CPT est apparue au moment des grèves de la faim dans les prisons turques. Alors que le gouvernement élaborait des réformes du système pénitentiaire, plusieurs prisonniers ont entamé des grèves de la faim en signe de protestation. Leur action a rapidement pris un tour violent. Le CPT a alors pris une part active aux négociations entre le gouvernement et les détenus, enquêtant sur les événements entourant les grèves de la faim et sur les réformes prévues par le projet de loi. En 2001, le CPT s'est ainsi rendu en Turquie trois fois pour trouver une solution au problème.

Les rapports du CPT sont généralement accessibles au public:
www.humanrights.coe.int

Il n'existe que deux cours permanentes agissant en tant qu'instances de surveillance spécifiques relativement à la mise en œuvre des droits de l'homme: la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Ceci dit, un nouveau tribunal international devrait voir le jour lorsque ses statuts auront été ratifiés par soixante pays: le Tribunal pénal international (TPI) aura pour mission de juger les individus accusés de crimes contre l'humanité, de génocides et de crimes de guerres. A cet égard, il se distinguera et complètera les cours européenne et interaméricaine qui n'examinent que les plaintes formulées à l'encontre des Etats.

Les procédures de rapport

La majorité des instruments en matière de droits de l'homme exigent des Etats qu'ils soumettent des rapports. Ces rapports sont compilés par les Etats eux-mêmes selon les directives données par l'instance de supervision; ils contiennent des informations générales concernant la mise en oeuvre des droits au plan national et font l'objet d'un examen public. A ce stade, les ONG jouent généralement un rôle majeur en produisant des contre-rapports. Le PIRDCP, le PIRDESC et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) sont des exemples d'instruments qui requièrent la soumission de rapports.

La majorité de ces instruments de mise en vigueur ont pour mission d'empêcher la violation d'un droit de l'homme particulier. La Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (1987) est d'une nature différente. La surveillance exercée repose sur des visites effectuées par les membres du Comité contre la torture dans des centres de détention - par exemple, des prisons et des centres de détention des mineurs, des postes de police, des casernes et des hôpitaux psychiatriques. Les membres de ce comité sont chargés d'observer les conditions de détention et, le cas échéant, de faire des recommandations relativement au droit de chacun à ne pas subir de tortures ou de traitements inhumains.

La Cour européenne des droits de l'homme

La Cour européenne de Strasbourg est célèbre pour de multiples raisons, mais surtout parce qu'elle a donné vie et sens à la CEDH. L'un de ses principaux avantages est son système de juridiction obligatoire - qui signifie que dès qu'un Etat ratifie ou accède à la CEDH, il se place automatiquement sous la juridiction de la Cour européenne. De cette façon, une requête contre un Etat partie peut être introduite devant la cour dès ratification.

Une autre raison du succès de la Cour européenne des droits de l'homme réside dans la force des jugements prononcés: les Etats ont l'obligation de se conformer au jugement final. La supervision est assurée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe.

Pour toute requête introduite devant la cour, la procédure prévoit également la possibilité d'un règlement à l'amiable à l'issu d'une médiation entre les parties.

La cour s'est en outre développée avec le temps. Au moment de sa création, en 1959, elle ne fonctionnait qu'à temps partiel en coopération avec la Commission européenne des droits de l'homme. Compte tenu de l'augmentation des requêtes, une cour à temps plein s'est avérée nécessaire et a été constituée en novembre 1998. Cette augmentation du nombre de requêtes est la preuve indubitable du succès de la Cour européenne des droits de l'homme. Les citoyens connaissent son existence et savent qu'ils peuvent y avoir recours en cas de violation de leurs droits fondamentaux.

Quelques affaires importantes jugées par la Cour européenne des droits de l'homme

Suit une série d'affaires majeures examinées par la cour.

  • Soering v. le RU (juin 1989): Cette affaire concernait un homme devant être extradé pour répondre à des accusations de meurtre aux US, où il risquait la peine capitale. La cour a jugé que le renvoyer aux Etats-Unis serait contraire à l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (article 3, CEDH). Il découlait de cette décision que la protection des individus dans un Etat membre du Conseil de l'Europe s'étendait au-delà des frontières européennes. Depuis, ce principe a déjà été appliqué trois fois dans d'autres affaires, telles Jabari v. Turquie (juillet 2000), et a permis de protéger des demandeurs d'asile d'un renvoi dans un pays où leur vie était menacée.
  • Tyrer v. le RU (mars 1978): Dans cette affaire, la cour a jugé que les punitions corporelles infligées en guise de peine à des jeunes délinquants étaient contraires à la CEDH, dans la mesure où elles constituaient une violation du droit à ne pas subir de tortures, de peines ou traitements inhumains ou dégradants, ainsi que le garantit l'article 3. Selon les mots de la cour, la punition - qui consistait à être traité comme un objet sous le pouvoir des autorités - constituait une violation de l'un des principaux objectifs de l'article 3 (art. 3), à savoir "protéger la dignité et l'intégrité physique d'une personne". Cette affaire a mis en évidence le fait que la CEDH est un texte "vivant" et que la cour a à cœur de marcher au rythme des valeurs changeantes de notre société.
  • Kokkinakis v. Grèce (avril 1993): Cette affaire intéressante, au sujet du conflit entre les droits de personnes différentes, abordait la question du prosélytisme. Elle posait la question de savoir si l'enseignement d'une religion est une violation de la liberté de religion (garantie par l'article 9 de la CEDH). La cour a jugé nécessaire d'établir une distinction claire entre les pratiques distinctes qui consistent à enseigner, à prêcher et à tenter de convertir une personne par des moyens immoraux et mensongers (par exemple, en échange de gages matériels ou sociaux, en ayant recours à la violence ou à l'endoctrinement).

La Cour européenne des droits de l'homme entend des affaires portant sur tous les droits garantis par la CEDH, tels que le droit à la vie, à un jugement équitable et à la liberté d'expression. Mais, parce qu'elle est née dans le sillage de la Deuxième Guerre mondiale, elle est axée exclusivement sur les droits civils et politiques. Par conséquent, elle n'a pas la capacité juridique d'examiner les affaires en rapport avec les droits économiques et sociaux, et les droits des minorités. Pourtant, malgré ses limites, elle est largement saluée pour ses nombreux succès.

Des affaires contre votre pays ont-elles été jugées par la Cour européenne des droits de l'homme?

CJCE, CDH, CIJ: Quelle est la différence?

La Cour européenne des droits de l'homme en chiffres

Elle est formée de 43 juges.

En 2001, une moyenne journalière de 180 appels téléphoniques et 800 courriers ont été reçus.

Début janvier 2002, 19.815 affaires étaient en instance ("pendantes").

Les requêtes ont augmenté de 523% par an entre 1990 et 2000; la cour a reçu 1.657 requêtes en 1990 et 10.486 en 2000.

En 2000, 889 jugements ont été prononcés - soit plus de deux affaires jugées par jour (vacances et week-ends compris!).

 

Il règne une grande confusion au sujet des différences entre la Cour européenne des droits de l'homme (CDH), la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et la Cour internationale de justice (CIJ). A la lecture du nom de ces différentes instances, la distinction n'est pas évidente. Pourtant, elles sont très différentes du point de vue de leur juridiction géographique et des types d'affaires qu'elles examinent.

La CJCE est un organe de l'Union européenne. La principale mission de cette cour consiste à assurer que le droit communautaire n'est pas interprété et appliqué différemment dans les Etats membres. Elle repose sur le droit communautaire et non sur le droit des droits de l'homme. Mais, parfois, la loi communautaire peut impliquer des questions de droits de l'homme. Une des affaires célèbres jugées par la CJCE est l'affaire Bosman, à propos des règles de transfert entre équipes de football; ces règles ont été déclarées incompatibles avec les dispositions du Traité de Rome relatives à la compétition et à la libre circulation des travailleurs.

La Cour internationale de justice (CIJ) est le principal organe judiciaire des Nations Unies. Son rôle est double: régler les différends qui lui sont soumis par les Etats conformément au droit international et formuler des avis sur des questions juridiques. Seuls les Etats sont habilités à présenter une requête contre un autre Etat et, généralement, ces requêtes concernent les traités régissant les relations de base entre Etats (commerciales ou territoriales, par exemple) ou les droits de l'homme.

Comment ces différents mécanismes juridiques aident-ils le citoyen ordinaire?

Le Commissaire aux droits de l'homme

Le mandat du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a été approuvé pour la première fois lors du Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement tenu à Strasbourg en octobre 1997. L'objectif de cette institution indépendante est à la fois de promouvoir le concept des droits de l'homme et d'assurer leur respect effectif et la pleine jouissance de ces droits dans l'ensemble des pays membres du Conseil de l'Europe. Le Commissaire aux droits de l'homme est élu par l'Assemblée parlementaire pour un mandat non renouvelable de six ans.

Le Commissaire est une institution non judiciaire dont l'action est considérée comme complémentaire aux autres institutions du Conseil de l'Europe mobilisées en faveur de la promotion des droits de l'homme. Il exerce ses fonctions en toute indépendance et impartialité, tout en respectant les compétences des différents organes de contrôle mis en place dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme ou d'autres instruments du Conseil de l'Europe relatifs aux droits de l'homme.

 Le Commissaire aux droits de l'homme a pour mission fondamentale:

  • de promouvoir l'éducation et la sensibilisation aux droits de l'homme dans les Etats membres;
  • d'identifier d'éventuelles insuffisances dans le droit et la pratique des Etats membres en ce qui concerne le respect des droits de l'homme et;
  • de contribuer à la promotion du respect effectif et de la pleine jouissance des droits tels qu'ils sont définis par les différents instruments du Conseil de l'Europe.

Aux termes de son statut, le Commissaire peut se saisir ex officio d'une question relevant de sa compétence. Bien qu'il ne puisse pas se saisir de requêtes individuelles, le Commissaire peut intervenir dans le cadre de ses fonctions de promotion des droits de l'homme, sur la base de toute information pertinente relative aux aspects généraux de la protection des droits de l'homme tels qu'ils ressortent des instruments du Conseil de l'Europe.

Ces informations peuvent émaner d'un gouvernement, d'un Parlement national, d'un médiateur national ou d'une autre institution similaire, mais aussi d'une organisation ou d'un particulier.

Est-ce suffisant?

Beaucoup estiment que les médiocres résultats en matière de droits de l'homme sont dus au manque de mécanismes de mise en œuvre adaptés. Il appartient généralement à l'Etat de décider d'appliquer ou pas les recommandations. Dans de nombreux cas, le fait qu'un droit individuel ou de groupe soit garanti va dépendre de la pression exercée par la communauté internationale et, dans une large mesure, du travail des ONG. Cet état de chose est loin d'être satisfaisant dans la mesure où il peut falloir beaucoup de temps avant qu'un cas de violation de droits de l'homme ne parvienne jusqu'aux oreilles des Nations Unies ou du Conseil de l'Europe.

Alors, que faire pour changer cette situation? Tout d'abord, il est essentiel d'assurer que les Etats garantissent les droits de l'homme au plan national et qu'ils instituent des mécanismes aptes à remédier à toute violation. Au même moment, il convient de faire pression sur les Etats afin qu'ils s'engagent à doter ces mécanismes de procédures d'application.

Références

Hanski, R., Suksi, M. (eds.), An introduction to the international protection of human rights: a textbook, Åbo Akademi University Institute for Human Rights, 1999.

Fact Sheet No. 2 (Rev. 1), La Charte internationale des droits de l'homme, Haut-Commissariat aux droits de l'homme, www.unhchr.ch/html/menu6/2/fs2.htm.

Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies, www.unhchr.ch.

Vade-mecum de la Convention européenne des droits de l'Homme, Les Editions du Conseil de l'Europe.

Cour européenne des droits de l'homme, www.echr.coe.int.

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, www.cpt.coe.int.

Charte sociale européenne, www.humanrights.coe.int/cseweb.

Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, www.humanrights.coe.int/minorities.

Site de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, www.ecri.coe.int.

Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europes, www.commissioner.coe.int.

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