Manuel pour la pratique de l’éducation aux droits de l’homme avec les enfants
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12. LA SANTÉ ET LE BIEN-ÊTRE

« La santé est aussi une question économique et politique. »

La santé est un droit de l’homme fondamental. Le droit à la santé inclut l’égalité d’accès, pour tous les membres de la société, aux soins médicaux et de santé mentale, aux médicaments, à une alimentation saine, à l’eau potable, à l’hygiène, aux services sociaux. Le droit à la santé est intimement lié aux autres droits de l’homme, dont le droit à la sécurité sociale, le droit au repos et aux loisirs, et le droit à un niveau de vie suffisant. Les violations des droits de l’homme (pratiques traditionnelles préjudiciables, traite, torture, traitements inhumains et dégradants, violence) peuvent avoir de graves conséquences sur la santé. En revanche, les mesures prises en faveur du respect, de la protection et de l’application des droits ont des effets bénéfiques sur la santé (droit à la non-discrimination, niveau de vie suffisant, éducation).

La santé est aussi une question économique et politique, quand on sait la responsabilité des inégalités et de la pauvreté eu égard à la maladie et aux affections. Selon le rapport sur la santé mondiale de 2005, l’extrême pauvreté est la cause première des décès dans le monde1. En conséquence, l’objectif énoncé dans le rapport, qui examine la pauvreté sous toutes ses formes, est de briser le cercle vicieux de la pauvreté et de la maladie.2

QUESTION : Dans quelle mesure la discrimination et la pauvreté affectent-elles la santé des enfants avec qui vous travaillez ?

Les enfants ont droit à une protection spéciale dont l’objectif est d’assurer qu’ils bénéficient de ces droits à un stade de leur développement particulièrement crucial. Protéger leur droit d’être en bonne santé inclut les soins préventifs et l’éducation à la santé, de même que la réadaptation et la protection contre les sévices et l’exploitation.

Les questions de santé pour les enfants européens

Les problèmes de santé sont un véritable défi lancé aux droits de l’homme et au bien-être des enfants et des jeunes européens.

Les maladies transmissibles

Les enfants ont besoin d’être protégés de diverses maladies. Cette protection commence par les soins prodigués à la mère et au nourrisson, ainsi qu’une alimentation et une immunisation appropriées. Elle englobe également parmi les priorités sanitaires le test de la tuberculose, la lutte contre la propagation des affections résistantes aux antibiotiques, le traitement des nouvelles maladies et l’éducation à la santé. À noter aussi que les enfants victimes d’abus sexuels risquent de contracter le sida ou d’autres maladies sexuellement transmissibles.

La santé mentale

La santé n’est pas qu’une question physique et médicale. Entre 10 et 20% des adolescents, en Europe, seraient affectés par un ou plusieurs troubles mentaux ou comportementaux3 qui perturbent gravement la façon dont ils pensent, ressentent et agissent. Les handicaps mentaux, parfois de naissance, peuvent aussi découler d’expériences de vie négatives. Les enfants victimes de négligences, témoins des conflits familiaux au quotidien ou exposés à des violences physiques ou psychologiques, à des discriminations ou encore des brimades à l’école, souffrent souvent d’un manque d’estime personnelle et obtiennent de mauvais résultats scolaires. Dans les pays développés, les troubles mentaux les plus répandus sont : les troubles de la concentration, l’anxiété, la dépression, les désordres alimentaires (anorexie et boulimie), l’automutilation, la toxicomanie et l’alcoolisme, les sévices, la violence, la dépression voire le suicide. Environ 4% des 12-17 ans et 9% des jeunes de 18 ans souffrent de dépression, l’un des troubles les plus prévalents et dont les conséquences sont particulièrement dramatiques.4 Dans la plupart des cas, les enfants porteurs de handicaps psychosociaux auraient besoin d’un traitement psychologique, mais leurs éducateurs sont généralement plutôt démunis. Accorder à ces enfants une attention particulière, les intégrer systématiquement et leur offrir un environnement éducatif favorable sont autant de moyens pour les aider à résoudre leurs problèmes et à renforcer leurs compétences sociales.

L’obésité

L’obésité est la maladie la plus répandue chez les enfants en Europe : environ 20% sont concernés par le surpoids et, parmi eux, un tiers sont obèses. Dans plusieurs pays d’Europe occidentale, le taux d’obésité des enfants a atteint 10% au début des années 80 et pratiquement 20% à la fin des années 90. Ces taux sont quelque peu inférieurs dans les pays d’Europe centrale et orientale.5

L’obésité, l’un des plus graves problèmes de santé publique au XXIe siècle, présente des dangers particuliers pour les enfants. Dans de nombreuses régions du Sud de l’Europe, un enfant sur trois est obèse. En 2010, le taux devrait être d’un enfant/adolescent sur dix, ou 10% de la population totale, soit un total de 15 millions. Or, ces enfants risquent plus que les autres de développer un diabète de type 2, de souffrir d’hypertension, d’avoir des troubles du sommeil et des problèmes psychosociaux. De plus, ils ont de fortes chances de devenir des adultes obèses et de développer des maladies plus graves qui vont amoindrir leur qualité de vie et leur espérance de vie.

Reconnaissant l’obésité comme une grave menace pour la santé publique, le Bureau régional pour l’Europe de l’OMS en a fait un axe de travail prioritaire pour les années à venir. Une conférence ministérielle s’est tenue en 2006 pour sensibiliser au problème dans la région et stimuler l’engagement politique.6

Pour éviter l’obésité, les enfants ont besoin d’exercice physique quotidien et d’un régime alimentaire sain comportant des fruits, des légumes et des céréales, sans excès de viande, de graisse et de sucre.

L’alcool, les drogues et le tabac

Ces dernières années, dans de nombreux États membres, l’augmentation de la consommation d’alcool chez les jeunes, de plus en plus précocement, est une évolution inquiétante : pratiquement 30% des jeunes de 15 ans disent boire régulièrement.7 Or, l’alcool est lié au décès de 55.000 jeunes par an en Europe. Par ailleurs, un décès sur quatre, chez les garçons européens de 15 à 29 ans, est imputable à l’alcool.

Les taux de tabagisme sont encore plus élevés dans la majorité des pays européens et la plupart des enfants fument très jeunes. À l’âge de 15 ans, les garçons sont plus nombreux que les filles à fumer en Europe orientale ; c’est l’inverse dans les régions septentrionale et occidentale du continent.8

Plus de 50% des enfants sont exposés à la fumée sous le toit familial ou dans des environnements extérieurs, comme la voiture, l’école et d’autres lieux publics. Cette exposition est directement responsable de graves problèmes respiratoires, comme l’asthme et le moins bon fonctionnement des poumons, qui peuvent démarrer dans l’enfance et persister tout au long de la vie.

Environ 80% des fumeurs adultes ont commencé avant 18 ans et les statistiques montrent que, dans certains pays, la proportion des 15 ans qui fument au moins une fois par semaine est de 57% pour les garçons (en Europe orientale) et de 67% pour les filles (principalement dans les régions septentrionale et occidentale de l’Europe).9

La normalisation et la banalisation croissantes de la consommation d’alcool et de drogues semblent influer sur les comportements et les habitudes de consommation. La recherche révèle par ailleurs que les jeunes Européens sont de plus en plus tolérants, voire favorables, à ces formes d’intoxication.10

Le handicap et les besoins spéciaux

Le terme de handicap couvre un large éventail de situations, depuis les handicaps légers jusqu’aux handicaps sévères, manifestes (ex. : malvoyance, surdité, retard mental, incapacité à marcher). La notion de « besoins spéciaux » renvoie à des cas moins évidents au premier abord, voire parfois non identifiés avant l’âge de la scolarisation, comme les difficultés d’apprentissage et d’autres troubles comportementaux associés. On estime à 20% la population mondiale concernée par le handicap, directement ou indirectement en tant que membre de la famille ou soignant.

Pendant longtemps, les enfants handicapés ont été tenus à l’écart de la société et placés dans de grandes institutions. Mais les attitudes et les politiques évoluent, et l’on reconnaît aujourd’hui qu’il est mieux pour ces enfants de vivre au sein de leur famille, avec le soutien de la communauté, et d’être scolarisés dans les écoles traditionnelles aux côtés des autres enfants. Il s’agit ainsi de traiter les enfants handicapés comme les autres, afin qu’ils puissent vivre en tant que membres à part entière de leur famille et développer des relations de confiance avec leurs parents, leurs frères et sœurs, les autres membres de la famille et les amis.

Autrefois, on pensait qu’il fallait appréhender l’enfant handicapé au moyen d’une sorte de « modèle médical » censé compenser par quantité de traitements ce que l’enfant en question n’est pas en mesure de faire. Or, une telle approche refuse de reconnaître que, comme les autres enfants, les enfants handicapés sont des êtres humains actifs et sensibles, avec leur personnalité propre, qui doivent faire partie intégrante de la famille et de la société au sens large. Ils doivent pour cela avoir les mêmes opportunités de s’engager dans la vie familiale et communautaire et de développer pleinement leur potentiel.

Il est vrai que de nombreux enfants handicapés ont besoin de traitements médicaux prolongés, parfois tout au long de la vie, ainsi que d’un soutien significatif en matière d’apprentissage – qui font d’ailleurs partie de leurs droits. Cela étant, la santé générale d’un enfant handicapé inclut également son bien-être affectif et psychologique. Leurs familles ont besoin de services qui leur permettent de les gérer au quotidien.

Mais les attitudes à l’égard du handicap mettent du temps à changer. Un récent rapport de l’Unicef rapportait pourtant que le nombre d’enfants identifiés comme handicapés, en Europe centrale et orientale, a été multiplié par trois depuis le début des années 90, ce qui témoigne d’une meilleure reconnaissance et acceptation du handicap – et non d’une augmentation du nombre de personnes handicapées. Malgré cette reconnaissance croissante, « l’éducation spéciale » reste la norme et l’approche politique privilégiée.11 Or, des mesures de soutien spécifiques pour les enfants handicapés seraient très pertinentes et tout à fait justifiées. Malheureusement, en Europe orientale, l’éducation spéciale est parfois mal utilisée et souvent responsable de ségrégation.

Voir aussi la discussion sur la discrimination envers les personnes handicapées, Thème 3, La discrimination (p. 231).

QUESTION : Les enfants avec qui vous travaillez ont-ils accès à des soins de qualité ? Si non, en quoi cela affecte-t-il leur vie et leur développement ? Que faudrait-il faire pour garantir qu’ils jouissent de ce droit fondamental ?

L’éducation à la santé

La finalité de l’éducation à la santé est d’induire des attitudes et des pratiques positives. Les enfants peuvent comprendre qu’ils sont responsables de leurs conditions de santé en tant qu’individus et membres de leurs familles et communautés au sens large. En meilleure santé, ils sont en mesure d’améliorer leurs vies et celles des autres.

Une éducation à la santé performante va apporter aux enfants des expériences d’apprentissage qui vont favoriser la compréhension, des attitudes positives et des pratiques saines pour toute la vie face aux problèmes graves de santé. Différentes notions sont couvertes : la santé affective et une image de soi positive, le respect et le soin du corps humain, la condition physique, la conscience des addictions nocives comme l’alcoolisme, le tabagisme et la toxicomanie, une alimentation saine et des relations sexuelles protégées.

L’éducation sexuelle est essentielle pour les adolescents. Elle les aide à prendre conscience de ce qu’est un corps sain et à se protéger des grossesses non désirées, des maladies sexuellement transmissibles et de la violence sexuelle. La mise à contribution des pairs se prête tout particulièrement à cette éducation. La disponibilité d’équipements sportifs dans les écoles et les communes est un très bon moyen d’encourager les enfants à prendre soin de leur santé tout au long de leur vie. Une éducation qui à la fois intègre et soutient les enfants souffrant de troubles mentaux peut donner d’excellents résultats.

Les instruments de droits de l’homme applicables

Le Conseil de l’Europe

La Charte sociale européenne (révisée) fait largement référence à la santé à l’article 11, qui garantit à chacun le droit de bénéficier de toutes les mesures lui permettant de jouir du meilleur état de santé qu’il puisse atteindre. L’article 13 stipule que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l’assistance sociale et médicale.

Les Nations Unies

La santé est un droit de l’homme fondamental reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 25.1 qui met en parallèle la santé et un niveau de vie suffisant :

« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »

Le même article reconnaît le droit des enfants à « une aide et à une assistance spéciales ». Ce droit est précisé par plusieurs instruments internationaux de droits de l’homme, comme l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIRDESC).

La Convention des droits de l’enfant (CDE) énonce en détail les droits de l’enfant à la santé selon diverses perspectives.

  • L’article 3, qui établit le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, mentionne spécifiquement la santé et la sécurité de l’enfant, en ce qui concerne les institutions, les services et les établissements qui ont la charge des enfants.
  • L’article 13, qui énonce le droit de l’enfant « de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce », est interprété comme englobant le droit à une éducation à la santé et à des informations sur la reproduction et la sexualité.
  • L’article 17 reconnaît l’importance de la fonction remplie par les médias et leur responsabilité dans la promotion de la santé physique et mentale des enfants.
  • L’article 23, qui traite des droits des enfants handicapés, souligne l’importance de l’accès aux soins, à des mesures préventives et à l’intégration sociale, pour la santé tant physique que mentale.
  • L’article 24 est l’énoncé le plus catégorique concernant le droit des enfants à la santé et l’obligation de l’État d’y pourvoir. Il affirme ainsi :

…le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Les États Parties s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services.

L’article 24 reconnaît également les facteurs essentiels qui contribuent à la santé, comme une nutrition adéquate, l’eau potable et la salubrité de l’environnement. Il souligne par ailleurs l’importance de l’éducation à la santé, tant pour les enfants que leurs parents.

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) reconnaît que les femmes et les jeunes filles ont des besoins différents de ceux des hommes et des garçons, notamment dans le domaine de la santé reproductive.

Certes, la Convention sur les droits des personnes handicapées ne créée pas de nouveaux droits, mais elle souligne et affine les droits des enfants handicapés non seulement à des soins de santé physique, mais aussi à des aménagements raisonnables, à la participation et à l’éducation, qui sont essentiels à leur développement.

Ressources utiles

Sites Web utiles

Références

1. Rapport sur la santé mondiale 2005: Organisation mondiale de la santé

2. Ibid

3. European Forum on Social Cohesion for Mental Well-being among Adolescents, Organisation mondiale de la santé, Bureau régional pour l’Europe: www.euro.who.int/PressRoom/pressnotes/20071002_1

4. Ibid.

5. Rapport sur la santé européenne 2005: Organisation mondiale de la santé, p. 75

6. Ten Things You Need to Know about Obesity: Diet and physical activity for health: Organisation mondiale de la santé, Conférence ministérielle européenne sur la lutte contre l’obésité, 2006

7. Rapport sur la santé européenne 2005: Organisation mondiale de la santé, p. 82

8. Rapport sur la santé mondiale 2005: Organisation mondiale de la santé

9. Rapport sur la santé mondiale 2005: Organisation mondiale de la santé, p. 82

10. Ibid

11. Children and Disability in Transition in CEE/CIS: Centre de recherche Innocenti, Unicef, 2004, p. 2