Manuel pour la pratique de l’éducation aux droits de l’homme avec les enfants
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4. Cher journal

Un kilomètre à pied…

Thèmes

Discrimination, Santé et bien-être, Pauvreté et exclusion sociale

Niveau de complexité

Niveau 2

Âge

8-13 ans

Durée

60 minutes

Taille du groupe

10-30 enfants

Type d’activité

Histoires à raconter, discussion

Aperçu

Les enfants lisent trois récits différents de la même expérience et débattent des jugements erronés sur les individus..

Objectifs •Développer les aptitudes à communiquer et les capacités d’observation
• Améliorer l’empathie
• Prendre conscience de la tendance à porter des jugements de valeur
• Comprendre la subjectivité de l’expérience individuelle
• Débattre du droit à l’éducation, aux loisirs et aux soins de santé

Préparation

Adaptez les histoires à la réalité des enfants et/ou à vos objectifs d’apprentissage

Matériels

Copies des trois histoires

Instructions

  1. Expliquez que trois enfants vous ont autorisé à lire leur journal intime, écrit l’an dernier pendant un camp d’été. Répartissez les enfants en trois groupes et donnez à chaque groupe l’une des histoires à lire.
  2. Une fois les histoires lues, rassemblez les enfants et passez en revue les activités qui rythment les journées du camp : résolution de puzzles, déjeuner, football, construction d’un radeau, traversée de la rivière, etc. Marquez une pause à chaque activité pour demander aux enfants ce que leur personnage faisait, pensait et ressentait à ce moment, mais ne leur demandez pas d’expliquer ses réactions et impressions.
  3. Demandez aux membres des groupes de décrire l’enfant de leur récit. Analysez la manière dont les trois enfants peuvent avoir vécu différemment les mêmes événements, en posant par exemple les questions suivantes :
    • Pourquoi ces enfants ont-ils des difficultés à se comprendre ?
    • Pensez-vous qu’ils se seraient comportés différemment s’ils avaient eu plus d’informations sur la vie de chacun ? De quelle manière ?
    • Qu’est-ce qu’ils n’ont pas compris les uns des autres ?
    • Comment ont-ils commis ces erreurs ?
    • Avez-vous déjà commis des erreurs de jugement ?
    • Qu’arrive-t-il quand nous nous méprenons sur le compte d’autres personnes ?
    • Que pouvons-nous faire pour éviter de commettre de telles erreurs ?

Débriefing et évaluation

  1. Faites un débriefing de l’activité à l’aide des questions suivantes :
    • Que pensez-vous de ces trois histoires ?
    • Apprécieriez-vous une journée comme celle-ci ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
    • Ces histoires sont-elles réalistes ?
    • Pouvez-vous vous identifier à l’un de ces enfants ? Lequel ? Pourquoi ?
    • Pouvez-vous avoir des amis si vous êtes pauvre ou illettré ? Pourquoi ?
    • Que signifie l’amitié ?
    • Au sein de votre communauté, certaines personnes sont-elles moins avantagées que d’autres ? Lesquelles ?
    • Que pouvons-nous faire pour changer cette situation ?
  2. Établissez un rapprochement avec les droits de l’homme, en posant des questions telles que :
    • De quels droits humains les enfants bénéficiaient-ils au camp ?
    • De quels droits humains bénéficient-ils chez eux ?
    • Les droits de l’un de ces enfants sont-ils violés ?
    • Comment la transgression de leurs droits les affecte-t-elle ? Quel en sera l’impact sur leur avenir ?
    • Comment prévenir de telles violations des droits ?

Suggestions de suivi

  • Dessinez les situations décrites dans les histoires (par ex. : les événements de la « Grande journée d’aventure », chacun des enfants dans son environnement familial, etc.).
  • Les activités « L’essentiel pour qui ? » (p. 114) et « En route pour un nouveau pays ! » (p. 76) mettent en exergue la diversité des réponses et des priorités dans une même situation.

Idées d’action

Afin d’éviter de telles incompréhensions dans votre propre groupe, élaborez avec les enfants un Code de conduite pour la vie en communauté.

Conseils pour l’animateur

  • Les histoires peuvent paraître très irréalistes ou étranges à certains enfants. Adaptez-les à leur réalité et à leurs problèmes sans exclure ni mettre qui que ce soit mal à l’aise avec des histoires qui seraient trop proches de réalités personnelles.
  • Soyez attentif aux réactions des enfants et à leur attitude vis-à-vis des autres membres de la communauté, en particulier si vous travaillez avec des enfants défavorisés. Ouvrez un débat sur les problèmes des enfants défavorisés mais rassurez-les en affirmant que tous les enfants doivent pouvoir mener la vie qu’ils souhaitent et que leurs droits doivent être respectés.
  • Certains enfants pouvant s’identifier aux personnages des histoires, cette activité requiert un débriefing consciencieux. Soyez attentif aux stéréotypes et aux jugements critiques que les enfants peuvent avoir à l’esprit après la lecture de ces récits, que ce soit des a priori sur les enfants privilégiés (par ex. : « Ils n’ont pas le moindre problème » ; « Ce sont des snobs ») ou sur les enfants défavorisés (par ex. : « Ils ne sont pas soutenus par leur famille » ; « Ils sont paresseux »). L’objectif de ces récits est d’encourager les enfants à s’interroger sur la façon d’agir des autres et pas d’en tirer des conclusions basées sur de fausses hypothèses.
  • Au cours de la discussion, établissez une distinction claire entre ce que le personnage faisait et ce qu’il ressentait ou pensait.

Variantes

  • Lisez les histoires aux enfants à voix haute ou demandez-leur d’en faire la lecture. Ensuite, lancez le débat comme à l’étape 3. Vous pouvez poser les questions de débriefing après chaque histoire.
  • Demandez aux enfants de rejouer les activités de leurs trois personnages à chaque moment de la journée, puis d’expliquer ce que chacun d’eux ressentait à ce moment-là. Sinon, chaque personnage peut être incarné par deux enfants, l’un jouant ses actes et ses paroles, et l’autre exprimant ses pensées et ses sentiments intimes.

Adaptation

  • Les plus jeunes auront besoin de supports visuels pour se souvenir des événements qui se sont produits au cours de la journée au camp. Attention : trop d’informations peut provoquer chez les enfants une baisse d’attention et rendre le débriefing très difficile. Veillez à ce que les enfants aient compris l’histoire avant de passer à la suivante.

À DISTRIBUER : LES HISTOIRES

Pendant la saison estivale, de nombreux enfants participent à des camps d’été. Les histoires suivantes sont extraites des journaux intimes de trois enfants qui font connaissance dans un tel camp. Ils ont le même âge et participent aux mêmes activités. Un jour, les animateurs ont organisé « La grande journée d’aventure ». Ce soir-là, les trois enfants ont écrit le récit de cette journée dans leur journal..

Sous son couvre-lit, à la lumière de sa lampe de poche, Margaret a écrit :

Cher journal,

Quelle journée agréable ! Nous avons fait un tas de choses incroyables et c’est peut-être l’un des plus beaux jours de ma vie ! Nous avons participé à des activités passionnantes, parfois même dangereuses, mais je n’ai jamais eu peur. Contrairement à mes amis, qui n’ont pas apprécié cette journée autant que je l’aurais espéré. C’est dommage… Elsa et Ricardo ont été tellement bizarres aujourd’hui…

Mais reprenons depuis le début. À notre réveil, les animateurs nous ont répartis en groupes. J’étais avec Ricardo et Elsa. Je les aime bien tous les deux. Hier, nous étions déjà ensemble et nous nous sommes bien amusés en nous racontant des blagues. L’animateur nous a donné trois messages écrits à l’aide de codes secrets. Nous devions trouver les solutions. J’ai été la première à résoudre mon énigme. Ricardo a fait de même peu après, mais Elsa était très lente. Quand je lui ai demandé si elle avait besoin d’aide, elle a répondu qu’elle n’aimait pas cette activité et que résoudre un code secret ne l’amusait pas. J’ai remarqué qu’elle tenait le papier à l’envers et je me suis moquée d’elle en lui disant qu’elle ne trouverait jamais la solution de cette manière. Elle m’a lancé un regard furieux et a jeté le papier : « Je veux jouer, pas lire », a-t-elle dit. Je ne pense pas qu’elle soit très intelligente. Je me demande si elle sait seulement lire. C’est étrange, car tous les enfants de mon âge savent lire et écrire !

On a fini par trouver le sens des trois messages. Ensuite, on a descendu la rivière et on a joué au foot contre un autre groupe d’enfants. C’était amusant. On a failli gagner, mais c’est de la faute d’Elsa si on a perdu. À chaque fois que le ballon arrivait sur elle, elle le touchait avec les mains, frappait les autres enfants et faisait plein de fautes. On aurait dit qu’elle n’avait jamais joué au foot. C’est bizarre. Tout le monde joue au foot après l’école. La prochaine fois, je ne veux pas être dans la même équipe qu’Elsa.

Après le déjeuner (les repas sont vraiment dégoûtants ici), on a dû construire un radeau pour traverser la rivière. C’était cool, on devait chercher du bois et faire toutes sortes de noeuds avec des cordes. Elsa et moi, on cherchait des grosses bûches, mais Ricardo rapportait toujours de fines brindilles. Je lui ai dit que, puisque c’était un garçon, il devrait travailler aussi dur que nous. Il a répondu qu’il avait des vertiges et mal au dos. Je pense que c’était juste une excuse pour ne pas travailler. Une fois terminé, notre radeau était le meilleur de tous. Même l’animateur l’a dit ! Ensuite, il a compté jusqu’à 3 et on a dû sauter dans le radeau pour traverser la rivière tous ensemble. J’ai sauté la première, mais je suis tombée à l’eau. Brrr…l’eau était très, très froide et au début j’ai crié. Heureusement, l’animateur m’a aidée et nous en avons tous ri. Quand j’ai raconté à mes amis à quel point l’eau était froide, Ricardo a dit qu’il n’avait plus envie de continuer. Je pense qu’il avait peur de l’eau froide. Je ne savais pas que Ricardo était minable à ce point ! D’abord le bois, ensuite l’eau ! Quand je lui ai dit qu’il devrait être plus courageux, il est parti en pleurant. Je ne veux plus être dans le même groupe que lui ! En fait, je vais demander à l’animateur de me mettre dans un autre groupe la prochaine fois, parce que Elsa est stupide et Ricardo n’est qu’une poule mouillée.

Je n’ai pas reparlé à Elsa et à Ricardo après ça et… oups, je crois que les animateurs viennent dans notre chambre. Dors bien, mon cher journal. Demain, je te donnerai plus de nouvelles.

Bisous, Margaret.

 


Le journal suivant a été écrit au nom d’Elsa, avec l’aide d’un animateur.

Cher journal,

Je m’appelle Elsa et tu es mon premier journal. J’espère que tu m’accompagneras longtemps. J’ai demandé à l’animateur d’écrire cette page pour moi. Il dit que quand je serai grande, je pourrai lire ce que j’ai fait au camp. Cette idée me plaît. On est assis à l’écart des autres enfants parce que je ne veux pas qu’ils sachent que l’animateur m’aide.

Aujourd’hui, la journée a été pleine d’activités. Ce matin, j’étais dans le même groupe que Margaret et Ricardo. Je préfère Ricardo à Margaret. Elle croit toujours tout savoir mieux que les autres !

Tout a commencé par les messages codés que nous devions résoudre. Je n’aime pas ce genre de choses, parce que je ne sais pas encore très bien lire et Margaret était toujours en train de crier pour qu’on se dépêche. J’aimerais savoir mieux lire pour pouvoir lire tous les livres du monde ! Mais, depuis que mon père est parti, je dois rester à la maison et m’occuper des petits pendant que maman est au travail. Je veux vraiment aller à l’école, mais maman dit toujours que c’est plus important d’avoir à manger que de savoir lire. Je ne voulais pas que Ricardo et Margaret sachent que je ne sais pas lire, alors j’ai essayé de faire semblant de résoudre le code secret. Mais Margaret s’est moquée de moi. J’étais à la fois triste et furieuse.

L’histoire s’est répétée avec le match de foot. Je voulais vraiment que notre équipe gagne, mais tout ce que je faisais était mal. Tout le monde connaît ce jeu, sauf moi. Je vois les autres enfants jouer au foot quand ils reviennent de l’école. Mais ma mère dit : « Si vous avez le temps de jouer, vous avez le temps de travailler. » Donc je n’ai jamais pu apprendre à jouer.

Après le repas, on a construit un radeau pour traverser la rivière. Cette fois, je pense que j’étais meilleure que Margaret et Ricardo. Je sais comment faire les noeuds et de quel bois nous avions besoin pour fabriquer un radeau solide. Mais l’attitude de Ricardo était très étrange. Il a failli faire pipi dans sa culotte quand Margaret lui a dit à quel point l’eau était froide.

J’espère qu’on sera encore dans le même groupe demain. Je veux leur prouver que je sais faire plein de choses ! Et j’aime beaucoup les animateurs du camp !

Salut, cher journal, à demain.

Elsa

 


Ricardo tient un épais journal, dans lequel il écrit depuis plusieurs années. Voici son récit de « La grande journée d’aventure ».

Mon cher journal,

Je t’écris à nouveau pour te dire à quel point je suis triste et déçu. J’ai aimé les activités de ce matin. Le code secret était facile pour moi ; j’en fais tout le temps à la maison. Au foot, j’ai joué gardien, comme d’habitude.

Le repas était bon, probablement le meilleur que j’ai jamais mangé. Je mange beaucoup ici, contrairement à la maison où je dois attendre que mes plus jeunes frères et sœurs aient mangé. Pas ici ! Je peux même avoir du rab. J’adore ça ! Je pense même que je prends du poids. Quand je rentrerai à la maison, je ne serai plus le « garçon qui n’a que la peau sur les os » !

L’après-midi a été terrible, en revanche. On devait porter du bois très lourd avant d’aller dans l’eau glacée. Je n’aime pas ça, parce que je risque de tomber malade et je ne veux plus. Mon père m’a dit que le jour où il retrouvera du travail, il m’emmènera à l’hôpital pour qu’on me soigne. Il dit qu’ensuite, je pourrai faire toutes les activités que je veux et que je n’aurai plus à rester au lit tout le temps. Je voudrais que mon père ait un nouvel emploi demain. Je retrouverais la santé rapidement ! Je ne veux pas dire ça aux autres enfants du camp, parce qu’ils sauront que nous n’avons pas d’argent à la maison et ils vont se moquer de moi.

Cher journal, quand serai-je de nouveau en bonne santé ? Je veux être comme les autres enfants. Je veux jouer, courir et sauter. J’espère que ça arrivera bientôt, mais j’ai peur que ce ne soit jamais le cas.

Dors bien, mon cher journal. Je t’en dirai plus demain. Tu es le seul à connaître mes secrets.

Ricardo