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4.1 Comprendre les droits de l'homme

Les droits de l'homme, c'est quoi?

Une énigme

Les droits de l'homme sont une sorte d'armure: ils vous protègent; ce sont aussi des règles qui vous disent comment vous comporter; enfin, ce sont des juges auxquels vous pouvez faire appel. Ils sont abstraits - tout comme les émotions; et, comme, les émotions, ils appartiennent à tous et existent quoi qu'il arrive.

Ils sont comme la nature, car ils peuvent être violés; ils sont aussi comme l'esprit, car ils ne peuvent être détruits. Comme le temps, ils nous réservent à tous le même traitement - que nous soyons riches ou pauvres, jeunes ou vieux, blancs ou noirs, grands ou petits. Comme pour la bonté, la confiance et la justice, nous avons du mal à nous mettre d'accord sur leur définition mais, lorsque nous les voyons, nous les reconnaissons.

Peut-on définir les droits de l'homme? Comment les expliquer?

D'où viennent les droits de l'homme?

«Les droits de l'homme font partie de ces choses qui ne peuvent vous être enlevées.»

René Cassin

Un droit est une revendication justifiée. J'ai droit aux produits qui se trouvent dans mon panier si je les ai payés. Les citoyens ont le droit d'élire un président si la constitution de leur pays le prévoit. Un enfant a le droit d'être emmené au zoo si ses parents le lui ont promis. Nous sommes en droit d'attendre toutes ces choses compte tenu des promesses faites ou des garanties données par une tierce personne.

Les droits de l'homme, s'ils sont aussi des revendications, sont pourtant différents en ce qu'ils ne dépendent pas des promesses ou des garanties de tiers. Le droit à la vie d'un individu ne dépend pas de la promesse d'un tiers de ne pas le tuer: sa vie en dépend peut-être, mais en aucun cas son droit à la vie. Le droit à la vie de cette personne ne dépend que d'une seule chose: son statut d'être humain.

Accepter les droits de l'homme signifie accepter le droit de chacun à les revendiquer: j'ai tels ou tels droits, quoi que vous disiez ou fassiez, parce que je suis un être humain, tout comme vous. Les droits de l'homme sont inhérent à tous les êtres humains.

Pourquoi cette revendication se suffirait-elle à elle seule? Sur quoi repose-t-elle? Et pourquoi devrions-nous y croire?

Fondamentalement, cette revendication est d'ordre moral; elle repose sur des valeurs morales. En réalité, mon droit à la vie signifie que personne n'a le droit de m'ôter la vie; ce serait mal agir. Présentée en ces termes, cette revendication n'a pas réellement besoin d'être étayée. Il est probable que pas un lecteur ne la remet en question. Nous reconnaissons tous, à notre niveau individuel, que certains aspects de notre vie, de notre être, devraient être inviolables et intouchables, parce qu'ils sont essentiels à ce que nous sommes et à qui nous sommes; ils sont essentiels à notre humanité et à notre dignité humaine. Les droits de l'homme étendent cette perception individuelle à tous les être humains de la planète. Si je peux formuler ces revendications, alors les autres aussi.

Pourquoi est-ce mal d'enfreindre le droit à la vie des autres? Pourquoi est-ce mal de prendre la vie des autres? Ces deux questions sont-elles les mêmes?

Les valeurs clés

«Ce que l'homme veut, c'est tout simplement pouvoir choisir en toute indépendance, quels que soient le prix de cette indépendance et ses conséquences.»

Fiodor Dostoïevski

Deux valeurs clés constituent le fondement de l'idée des droits de l'homme; la première est celle de la dignité humaine et la deuxième celle de l'égalité. Ainsi, d'une certaine façon, les droits de l'homme définissent ces normes sans lesquelles une vie ne serait pas digne; et leur universalité découle du fait que, à cet égard, tous les humains sont égaux. Nous ne devrions, et ne pouvons, faire de discrimination entre les hommes.

Ces deux croyances - ou valeurs - sont véritablement l'unique condition nécessaire pour adhérer à l'idée des droits de l'homme. Et ces croyances sont fort peu sujettes à controverse. C'est la raison pour laquelle l'idée de droits de l'homme bénéficie du soutien non seulement de toutes les cultures dans le monde, et ce malgré leur diversité, mais également de tous les gouvernements civilisés et de toutes les grandes religions. Il est reconnu de façon quasiment universelle que le pouvoir de l'Etat ne peut être ni illimité, ni arbitraire; il doit au contraire être limité, au moins de manière à permettre à tous les individus relevant de sa juridiction de vivre selon certaines exigences minimales de dignité humaine.

De nombreuses autres valeurs, qui découlent des deux précitées, peuvent aider à définir plus précisément comment, dans la pratique, les peuples et les sociétés devraient coexister. Par exemple:

La liberté: parce que la volonté humaine est une part importante de la dignité humaine. Etre forcé d'agir contre sa volonté avilit l'esprit de l'homme.

Le respect des autres: parce qu'en manquant de respect à une personne, nous négligeons son individualité et sa dignité essentielle.

La non-discrimination: parce que l'égalité dans la dignité humaine signifie que nous ne devons pas juger les autres sur des caractéristiques, notamment physiques, qui n'ont pas à entrer en ligne de compte.

La tolérance: parce que l'intolérance dénote un manque de respect vis-à-vis de la différence; et parce qu'égalité n'est pas synonyme d'uniformité.

La justice: parce que les êtres humains, égaux dans leur humanité, méritent d'être traités de façon équitable.

La responsabilité: parce que le respect des droits des autres englobe la responsabilité à l'égard de ses propres actions.

Les caractéristiques des droits de l'homme

«Les valeurs sont comme le vent, invisibles. Pourtant, vous devinez que le vent souffle au balancement des feuilles dans les arbres. Et vous comprenez alors que les valeurs existent grâce aux actions des individus.»

Éva Ancsel

Si la nature des droits de l'homme continue d'alimenter la réflexion des philosophes, la communauté internationale a défini une série de principes clés auxquels les Etats ont adhéré et qu'ils doivent respecter.

1. Les droits de l'homme sont inaliénables. Cela signifie que vous ne pouvez les perdre, car ils sont inhérents à l'existence de l'homme. Dans certaines circonstances particulières, certains de ces droits - pas tous - peuvent se trouver suspendus ou limités. Par exemple, un individu accusé d'un crime peut être privé de liberté; en périodes de troubles sociaux, un gouvernement peut imposer un couvre-feu qui va réduire la liberté de mouvement des citoyens, etc.

2. Ils sont indissociables, interdépendants et intimement liés. Cela signifie que des droits différents sont intrinsèquement liés et qu'ils ne peuvent par conséquent pas être considérés indépendamment les uns des autres. La jouissance d'un droit donné dépend de la jouissance de nombreux autres droits; aucun droit ne prévaut sur un autre.

3. Ils sont universels. Cela signifie qu'ils s'appliquent également à tous les individus partout dans le monde, sans limite de temps. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés "sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation".

Il convient à ce titre de souligner que l'acceptation de l'universalité des droits de l'homme ne menace en aucune façon la diversité des individus induite par des cultures différentes. La diversité peut bel et bien exister dans un monde où tous les individus sont égaux et ont droit au même respect.

Aperçu historique

«Les trois piliers du monde sont la confiance, le jugement et la paix.»

Le Talmud

L'idée selon laquelle les hommes possèdent des droits inhérents est ancrée dans beaucoup de cultures et traditions anciennes. Maints exemples de guides vénérés et de code d'usages influents confirment que les valeurs contenues dans les droits de l'homme ne sont ni une "invention occidentale", ni une avancée du 20ème siècle.

L'histoire ancienne

  • Le code d'Hammourabi en Babylonie (Iraq, environ 2000 av. J.-C.) fut le premier code écrit, à l'instigation du Roi de Babylone. Il était destiné à faire régner la justice dans le royaume, à détruire les mauvais et les violents, à empêcher les forts d'opprimer les faibles… à illuminer le pays et à promouvoir le bien-être du peuple.
  • Il a été rapporté qu'un pharaon de l'Egypte ancienne (environ 2000 av. J.-C.), lorsque un pétitionnaire arrivait de Haute ou de Basse Egypte, demandait à ses subordonnés de s'assurer que tout soit fait selon la loi et dans le respect des coutumes, et que le droit de chacun soit respecté.
  • La Charte de Cyrus (Iran, environ 570 av. J.-C.), rédigée par le Roi de Perse pour le peuple de son Royaume, reconnaissait les droits à la liberté, à la sécurité et à la liberté de mouvement, ainsi que certains droits économiques et sociaux.

Quels personnages, dans l'histoire de votre pays, se sont battus pour les valeurs des droits de l'homme?

La Magna Carta britannique et la Déclaration des Droits ("Bill of Rights")

En 1215, les membres du clergé et les nobles britanniques s'allient contre l'abus de pouvoir du Roi Jean Sans Terre. Ils vont le contraindre à respecter la loi en rédigeant une Grande Charte des libertés (Magna Carta). Bien que non respectée par le Roi, la Magna Carta est devenue un document de référence en matière de défense des libertés; elle énonce une série de droits, tels que le droit de tous les citoyens à posséder et à hériter d'une propriété et à ne pas être soumis à des impôts excessifs. Elle a notamment introduit les principes de jugement équitable et d'égalité devant la loi. Devant les violations de la Grande Charte par le Roi Jacques II Stuart, ses sujets le renversent en 1688. En 1689, le Parlement vote une loi déclarant qu'il ne tolérera plus d'ingérence royale dans ses affaires. Cette loi, connue sous le nom de Déclaration des Droits, interdisait au monarque de suspendre l'application de la loi sans le consentement du Parlement, prévoyait l'élection libre des membres du Parlement et affirmait que la liberté d'expression dans le cadre du Parlement ne pouvait être remise en cause par aucun tribunal.

La naissance des droits naturels

Au cours des 17e et 18e siècles en Europe, plusieurs philosophes ont proposé le concept de "droits naturels" pour désigner les droits qui appartiennent à l'individu du seul fait de sa condition d'être humain, et non parce qu'il est citoyen d'un pays donné, membre d'un groupe ethnique particulier ou adepte d'une religion particulière. L'idée selon laquelle ces droits naturels devaient conférer aux individus certains droits légaux s'est progressivement imposée pour finalement apparaître dans les constitutions de certains pays.

La Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen (1789)

«Les hommes étant… par nature libres, égaux et indépendants… aucun individu ne peut… être soumis au pouvoir politique d'un autre sans son consentement."

John Locke

 

En 1789, les Français renversent leur monarchie et instituent la Première République française. La Déclaration, fruit de la Révolution, a été rédigée par des représentants du clergé, des nobles et des roturiers. Elle devait donner forme aux réflexions des chefs de file de la Lumière, tels que Voltaire, Montesquieu, les encyclopédistes et Rousseau. Elle s'en prenait au système juridique et politique de la monarchie et définissait les droits naturels de l'homme comme "la liberté, la propriété, la sécurité et le droit de résister à l'oppression". Elle a remplacé le système des privilèges aristocratiques en vigueur sous la monarchie par le principe de l'égalité devant la loi.

La Déclaration d'indépendance des Etats-Unis, la Constitution et le Bill of Rights (17

En 1776, la plupart des colonies britanniques d'Amérique du Nord ont proclamé leur indépendance à l'égard de l'Empire britannique dans le cadre de la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis. Cette déclaration reposait largement sur les théories des "droits naturels" de Locke et Montesquieu qui ont inspiré la Révolution française et les rébellions contre le régime espagnol en Amérique du Sud. Plus tard, la Constitution des Etats-Unis a été amendée et le gouvernement a été centralisé mais avec des pouvoirs limités, de sorte à garantir les libertés individuelles. Les vingt amendements à la Constitution forment le Bill of Rights.

Les premières conventions internationales

Aux 19e et 20e siècles, les droits de l'homme sont venus au devant de la scène, alimentant des débats au niveau international, dans un premier temps sur les questions d'esclavage, de servitude, de conditions de travail et de travail des enfants. C'est à cette époque qu'ont été adoptés les premiers traités internationaux en matière de droits de l'homme.

  • L'esclavage est devenu illégal en France et en Angleterre au début du 19e siècle et, en 1814, les gouvernements français et britannique ont signé le Traité de Paris dans le but de coopérer à la suppression du trafic d'esclaves. Lors de la Conférence de Bruxelles,en 1890, une loi contre l'esclavage a été signée; elle sera ratifiée par dix-huit Etats.
  • Les premières Conventions de Genève (1864 et 1929) ont ouvert un nouvel espace de coopération entre les nations en définissant le droit de la guerre. Ces Conventions ont notamment institué des normes pour les soins aux soldats malades et blessés.

A votre avis, pourquoi le besoin de conventions internationales s'est-il fait ressentir, alors que les pays auraient pu, chacun de leur côté, définir leurs propres normes?

Le 20e siècle

«Donc, quiconque transgresse contre vous, transgressez contre lui, à transgression égale. Et craignez Allah. Et sachez qu"Allah est avec les pieux."

Le Coran

L'idée consistant à protéger les droits de l'homme contre le pouvoir central a commencé à être plus largement acceptée; certains Etats avaient même déjà reconnu l'importance de codifier ces droits sous forme écrite. C'est ainsi que les documents précités sont devenus les précurseurs de nombreuses conventions sur les droits de l'homme aujourd'hui en vigueur. Pourtant, ce sont les événements de la Deuxième Guerre mondiale qui ont propulsé les droits de l'homme sur la scène internationale.

La Ligue internationale des Nations, organisation intergouvernementale créée après la Première Guerre mondiale, tentait de protéger les droits de l'homme fondamentaux. Mais ce n'est qu'après les terribles atrocités commises pendant la Deuxième Guerre mondiale, et largement à cause de ces atrocités, qu'un organe de droit international a vu le jour. Ces événements ont rendu à la fois possible et nécessaire l'émergence d'un consensus international sur le besoin de dispositions internationales pour la protection et la codification des droits de l'homme.

La Charte des Nations Unies, signée le 26 juin 1945, reflète cette conviction. Cette charte stipule que l'objectif fondamental des Nations Unies est de "préserver les générations futures du fléau de la guerre" et de "proclamer à nouveau sa foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes".

«Les guerres continueront tant qu'il (l'homme) n'aura pas constaté que la nature humaine est identique à n'importe quel endroit de la terre. »

Pierre Daco, psychologue

La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) a été rédigée par la Commission des droits de l'homme, organe des Nations Unies, et adoptée par son Assemblée générale le 10 décembre 1948. Depuis, plusieurs instruments clés visant à sauvegarder ces principes ont été institués et acceptés par la communauté internationale. La suite de ce chapitre apporte de plus amples informations sur certaines de ces conventions internationales, ainsi que des données sur la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Les droits de l'homme dans le monde

Pour protéger les droits de l'homme, plusieurs régions du monde ont établi leurs propres systèmes, parallèlement à celui des Nations Unies. A ce jour, il existe des institutions régionales en Europe, en Amérique, en Afrique et dans les Etats arabes, mais pas encore dans la région Asie-Pacifique. Néanmoins, la plupart des pays de cette région ont ratifié les principaux traités et conventions de l'ONU - signifiant ce faisant leur adhésion à leurs principes généraux et se soumettant par là-même au droit international en matière de droits de l'homme.

La Charte africaine des droits des hommes et des peuples, entrée en vigueur en octobre 1985, a été ratifiée par plus de 40 Etats. Cette charte est intéressante eu égard aux différences qu'elle présente par rapport aux autres traités adoptés de par le monde.

  • A la différence des conventions européenne ou américaine, la Charte africaine englobe les droits économiques, sociaux et culturels, de même que les droits civils et politiques.
  • La Charte africaine va au-delà des droits individuels, en ce qu'elle prévoit des droits collectifs pour les peuples.
  • La Charte africaine reconnaît en outre que les individus ont des devoirs, parallèlement à leurs droits, et énonce les droits spécifiques des individus à l'égard de leurs familles, de la société, de l'Etat et de la communauté internationale.

A votre, avis, pourquoi prévoir des devoirs dans une charte des droits de l'homme? Pensez-vous qu'ils devraient figurer dans tous les documents relatifs aux droits de l'homme?

«S'il convient de ne pas perdre de vue l'importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des Etats, quel qu'en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales.»

Déclaration de Vienne (1993)

Dans le monde arabe, il existe actuellement une Commission régionale des droits de l'homme qui ne possède certes que des pouvoirs limités. Néanmoins, elle vient d'approuver une Charte arabe des droits de l'homme qui instituera un système régional. Ce document, comme la Charte africaine, inclut les droits socio-économiques, civils et politiques, ainsi qu'une liste des "droits collectifs du peuple arabe".

Dans la région Asie-Pacifique, certains préconisent un système comparable mais, pour l'instant, aucune convention formelle n'a été adoptée. D'une réunion d'ONG dans la région, en 1993, est née la Déclaration sur les droits de l'homme des ONG réunies à Bangkok, qui stipule:

"Nous pouvons nous enrichir au contact de cultures différentes dans une perspective pluraliste … Les normes universelles relatives aux droits de l'homme trouvent leurs sources dans de nombreuses cultures. Nous affirmons l'universalité fondamentale des droits de l'homme, universalité qui implique la protection de l'humanité tout entière … Tout en prônant le pluralisme culturel, nous devons rejeter les pratiques culturelles qui sont incompatibles avec les droits de l'homme universellement reconnus, notamment les droits des femmes. Etant donné que les droits de l'homme sont un sujet de préoccupation universelle et ont un caractère universel, leur défense ne saurait être considérée comme une atteinte au principe de la souveraineté nationale".

Comment utiliser nos droits?

«Nous sommes tous responsables de tout et de tous et moi particulièrement».

Fiodor Dostoïevski

Les droits de l'homme existent pour nous. Alors, comment en faire usage? Il est clair que leur simple existence ne suffit pas à mettre un terme aux violations; nous savons tous que ces droits sont violés tous les jours quelque part dans le monde. Cela étant, que peuvent-ils apporter concrètement? Comment les utiliser?

Connaissez-vous les droits que vous possédez?

Reconnaître ses droits

Dans la section suivante, nous examinons les différents types de droits protégés en vertu du droit international. Pour pouvoir exercer des pressions, nous devons connaître les domaines de l'existence humaine qui relèvent du droit des droits de l'homme et savoir quelles sont les obligations des gouvernements relativement à cette législation. Cette section démontre que presque toutes les sphères où sont commises des injustices relèvent des droits de l'homme: de la pauvreté sur une petite échelle, en passant par les dégâts causés à l'environnement, jusqu'à la santé, les conditions de travail, la répression politique, les droits de vote, le génie génétique, les questions de minorités, le terrorisme, le génocide, etc. Cette liste est loin d'être exhaustive; et le nombre de questions ne cesse d'augmenter.

Certaines des questions relatives à l'application de la législation en matière de droits de l'homme sont traitées directement dans la section "Questions et réponses". Cette section fournit des réponses brèves à quelques-unes des questions les plus courantes sur le sujet.

De plus, chacune des sections du chapitre 5 aborde plus en détail les thèmes du manuel. Si vous voulez savoir comment mieux protéger un droit particulier - par exemple le droit à la santé, à l'éducation ou à des conditions de travail équitables -, les informations de référence relativement à ce droit vous seront probablement d'une grande aide.

Utiliser les mécanismes juridiques

Examinons à présent les mécanismes existants pour la protection des divers intérêts des individus. En Europe, nous avons le privilège, du moins en ce qui concerne certains droits, de disposer d'un tribunal permanent chargé de se prononcer sur les plaintes de violation: il s'agit de la Cour européenne des droits de l'homme. Et, lorsque les plaintes ne relèvent pas de la juridiction de la Cour européenne, nous verrons qu'il existe d'autres mécanismes permettant de responsabiliser les Etats de leurs actions et de les contraindre à respecter leurs obligations en vertu du droit des droits de l'homme. L'existence du droit, même en l'absence d'instruments juridiques pour garantir son application par les Etats, reste un atout réel.

Lobbying, campagne et activisme

Vous êtes-vous déjà impliqué dans des campagnes ou dans l'activisme en faveur des droits de l'homme?

«Je considère la peine de mort comme une institution sauvage et immorale qui sape les fondements moraux et juridiques d'une société… Je suis convaincu que la sauvagerie n'engendre que la sauvagerie.»

Andrei Sakharov

 

Ce sont les associations, les organisations non gouvernementales et caritatives et divers autres groupes d'initiative civique qui jouent cet essentiel rôle de pression sur les gouvernements. Cette question est traitée dans la section consacrée à l'activisme et au rôle des ONG, page 335. Ces structures mènent une mission capitale notamment pour l'homme - et la femme - de la rue, dans la mesure où elles prennent en charge des cas individuels et offrent à chacun la possibilité de s'impliquer dans la protection des droits de l'homme. Après tout, ces associations sont constituées de personnes ordinaires! Nous nous intéresserons à la façon dont elles peuvent contribuer à la cause des droits de l'homme, en présentant des exemples d'actions couronnées de succès.

S'engager

«Toute âme est l'otage de ses propres actions.»

Le Coran

Le Chapitre 3, "Agir", replace ces actions dans le quotidien et en cite plusieurs dans lesquelles vous pouvez vous impliquer. Les groupes de jeunes disposent d'un énorme potentiel de pression sur les Etats ou les instances internationales, mais aussi de dénonciation des actes de violation des droits de l'homme. Les exemples figurant dans cette section devraient vous suggérer des mesures concrètes envisageables par un groupe de jeunes. Ils devraient aussi vous permettre de mieux appréhender la façon dont les organisations non gouvernementales travaillent au quotidien.

Dilemmes et abus

Que faire lorsque la protection des droits d'un groupe implique de porter atteinte aux droits d'autres personnes? Parfois, les droits de l'homme servent d'excuse à la conduite d'actions elles-mêmes de moralité douteuse. Ils arrivent que certains individus, et même certains gouvernements, prétendent défendre la cause des droits de l'homme, alors que leurs agissements constituent des violations de ces droits.

Il n'est pas toujours facile de juger de ce genre de situations. Nous vous proposons de réfléchir aux exemples ci-dessous.

Les conflits de droits

Dans le sillage des attaques terroristes perpétrées aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, de nombreux gouvernements en sont venus à limiter certaines libertés fondamentales pour faire front à la menace terroriste. Au Royaume-Uni, une nouvelle loi contredit l'article 5 de la Convention européenne qui protège les individus de la détention et de l'incarcération arbitraire. Cette loi autorise le gouvernement à incarcérer des individus sans chef d'accusation ni procès, au motif de la pure et simple suspicion.

Est-il acceptable de restreindre les droits des minorités au nom de la sécurité nationale? Le cas échéant, devrait-il y avoir des limites?

La Cour suprême des Etats-Unis a déclaré que les manifestations de groupes nazis dans les quartiers juifs étaient des formes légales de la liberté d'expression. Faudrait-il empêcher ces groupes de promouvoir une doctrine susceptible de conduire à la destruction d'un peuple tout entier? Ou bien serait-ce une restriction inacceptable du droit à la liberté d'expression?

Les traditions culturelles

Les mariages arrangés sont une pratique courante dans beaucoup de cultures. Cette pratique oblige des femmes souvent très jeunes à épouser un homme choisi par leur famille. Faudrait-il interdire de telles pratiques pour protéger les jeunes filles? Ou bien serait-ce un non-respect d'une tradition culturelle différente?

«A chaque fois que la justice meurt, c"est comme si elle n'avait jamais existé.»

José Saramago

Dans ce même registre, il faut citer les pratiques, encore en vigueur dans beaucoup de pays, de l'excision ou encore des "crimes d'honneur" dont sont victimes des jeunes filles et des femmes. Des milliers de personnes souffrent des conséquences de ces pratiques. En outre, il est fort probable que beaucoup les considèrent comme de graves violations des droits humains. Faut-il "tolérer" l'excision en tant que différence interculturelle?

Les valeurs culturelles doivent-elles passer "outre" l'universalité des droits de l'homme?

Au nom d'une bonne cause

En 1995, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a comparé les taux de mortalité de 1989 et 1995 des nourrisons et des enfants à Bagdad. Sur la base des données qu'ils avaient collectées, deux membres de l'équipe ont publié un rapport qui concluait qu'environ 567.000 enfants iraquiens était morts à ce jour du fait des sanctions infligées à leur pays. En avril 1988, l'Unicef a déclaré qu'environ 90.000 enfants mourraient chaque année à cause de ces sanctions.

Des sanctions sont parfois prises par la communauté internationale afin de pénaliser les régimes jugés coupables de violations systématiques des droits de l'homme. Généralement, les sanctions mises en œuvre interdisent le commerce avec le pays coupable, le but étant de contraindre le gouvernement à modifier ses pratiques. Certains pays ont ainsi été totalement isolés par la communauté internationale: c'est le cas de l'Afrique du Sud, isolée pendant des années à cause de son système d'apartheid, et aujourd'hui de Cuba et de l'Iraq, dans l'impossibilité de commercer avec la plupart des pays du monde. Indubitablement, ces sanctions ont des répercussions sur la population dans son ensemble, mais plus encore sur les catégories les plus vulnérables de la société. Est-ce un moyen acceptable de mettre un terme aux violations des droits de l'homme commises par un autre gouvernement?

Bien que non officiellement sanctionnés par les Nations Unies, les bombardements de l'OTAN sur le Kosovo ont été expliqués par la volonté de protéger les Albanais ethniques, mais aussi de traduire en justice le coupable du génocide. L'action militaire a causé l'exode de centaines de milliers de réfugiés, ainsi que la mort d'environ 500 civils et la destruction des infrastructures serbes. Elle a aussi permis la capture du Président Milosevic et son jugement par un tribunal international. Une action similaire a été lancée en Afghanistan dans le but de détruire le réseau terroriste estimé coupable des attentats du 11 septembre 2001. Ces actions se justifient-elles par leurs résultats si elles sont aussi responsables d'un grand nombre de morts?

La défense des droits de l'homme peut-elle servir à justifier une action militaire?

En avril 2001, une résolution de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a rejeté la notion selon laquelle la lutte contre le terrorisme pouvait justifier que soient sacrifiées les protections des droits de l'homme. La résolution 2001/24 a condamné les attaques terroristes liées au conflit en Tchétchénie, les violations du droit humanitaire perpétrées par les forces tchétchènes et certaines méthodes souvent employées par les forces fédérales russes en Tchétchénie. Elle a requis une commission d'enquête nationale au sujet des violations russes.

D'autres énigmes

Les questions soulevées dans la section précédente n'ont pas toutes des réponses tranchées: elles continuent aujourd'hui encore à faire l'objet de débats acharnés. Ces débats, dans une certaine mesure, ont leur importance: ils indiquent non seulement qu'une approche pluraliste de la notion de droits de l'homme est fondamentale, mais également que les droits de l'homme ne sont pas une "science", ni une "idéologie" immuable. Les droits de l'homme constituent au contraire une sphère de réflexion morale et juridique en perpétuelle expansion. Nous ne devons pas attendre des réponses totalement noires ou totalement blanches - en partie parce que les questions sont complexes, mais aussi parce qu'il n'existe pas d'experts suffisamment qualifiés pour avoir le dernier mot et résoudre tous les conflits.

Mais, cela ne signifie pas pour autant qu'il n'existe pas de réponses ou de terrains d'entente. Bien au contraire, et même de plus en plus tous les jours. L'esclavage, qui a été un sujet de débat, n'est plus jugé acceptable là où la tolérance prévaut: le droit à être libre de l'esclavage est aujourd'hui universellement reconnu en tant que droit fondamental. L'excision, bien qu'encore défendue par certaines cultures, est largement condamnée en tant que violation des droits humains. Et le débat sur la peine capitale semble arriver à un tournant - du moins en Europe, où les membres du Conseil de l'Europe sont invités à s'orienter vers l'abolition.

Aussi, soyons confiants. La plupart de ces questions ne devait pas tarder à trouver des solutions. Dans l'intervalle, nous pouvons favoriser le débat et nous faire notre propre opinion sur les questions les plus controversées en nous référant à deux valeurs fondamentales: l'égalité et la dignité humaine. Si une action méprise la dignité humaine d'un individu, alors elle viole l'esprit des droits de l'homme.

Références 

Europe, Youth, Human Rights, Report of the Human Rights Week, par Yael Ohana (ed.), Centre Européen de la Jeunesse, Budapest, 2000.

Garzón Valdés, E., «Confusiones acerca de la relevancia moral de la diversidad cultural", CLAVES de Razón Práctica, No.74, Madrid, juillet/août 1997.

Human Rights, a basic handbook for UN staff, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Nations Unies, Genève.

Levin, L., Human Rights, Questions and Answers, Unesco, Paris, 1996.
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