Quand
demain frappera à la porte, par Nanon Williams
Première partie
Le lendemain de la mort de Dwight Adanandus, j'ai commencé
à voir la vie d'une manière très différente
de ce qu'elle est, ou devrais-je dire, de ce que je souhaitais
qu'elle soit. C'était au début de l'hiver
et, quand je pense à cet ami qui souriait lorsque
les jours semblaient si nombreux, je me sens tourmenté.
Je me suis tout doucement penché pour saisir le journal
qui avait été glissé sous la porte,
il racontait son histoire.
Alors que je lisais son histoire, en sachant que je ne
le reverrais plus jamais, c'était comme si quelqu'un
ne cessait de m'enfoncer des aiguilles dans la tête.
Parfois, Dwight arrivait dans la cour en se dodelinant et
me criait: «Quoi de neuf, jeunot?» Alors, je regardais
autour de moi et je lui répondais: «Eh mec,
c'est moi que tu appelles jeunot ?», et nous pouffions
de rire parce que j'étais le plus jeune du quartier.
Quand je pense à ces moments-là, une grande
tristesse m'envahit et Dwight n'est plus là pour
effacer ces plis qui rident mon visage quand j'ai la rage.
Au fil des ans, mes méthodes pour tuer le temps
ont changé, mais j'espère qu'un jour ces nouvelles
méthodes feront de moi un homme meilleur, comme Dwight.
Pendant mes moments de désespoir, je me surprends
toujours à me demander ce que Dwight aurait fait.
«Souviens-toi», me disait-il, «le système
ne peut t'atteindre que si tu le lui permets. Fais la paix
avec ton Dieu, quel qu'il soit, et commence à vivre
la vie du mieux que tu peux et à l'apprécier.»
Et Dwight de poursuivre: «Jeunot, j'ignore la raison
pour laquelle tu te trouves ici, mais je sais que ce n'est
pas ta place
»
Seconde partie
«... En fait, ici, dans le couloir de la mort, ce n'est la place de
personne. Il y a des violeurs, des kidnappeurs, des voleurs,
des pervers et des sadiques qui se fichent pas mal de toi.
Néanmoins, il y a aussi des gens bienveillants et
compatissants, qui ont commis des actes semblables mais
qui ont trouvé le moyen de changer et je voudrais
que tu ne l'oublies pas», m'a-t-il dit quelques semaines
avant son exécution. «Si tu dois retenir une
seule chose, c'est celle-ci. Si tu juges les autres comme
ce système t'a jugé, tu ne vaux guère
mieux que ceux qui t'ont condamné à mort!»
Alors que ces mots résonnent dans ma tête,
je me demande pourquoi j'ai mis si longtemps à comprendre
ce qu'il voulait dire. Bien sûr, j'ai entendu ce qu'il
m'a dit et c'était logique, mais trouver ces paroles
logiques et saisir tout à fait leur signification
étaient deux choses tout à fait différentes.
J'imagine que j'étais effectivement, à l'époque,
ce jeunot qu'il avait l'habitude d'apostropher, mais la
vérité fait mal quand on prend enfin le temps
de la regarder en face.
Je sais que l'incarcération est une arme de torture
purement psychologique, qui provoque la frustration avant
que la dépression ne s'installe, mais d'une manière
ou d'une autre l'esprit et la volonté subsistent
chez un petit nombre d'entre nous. Dwight avait cet esprit,
peu importe ce qu'il avait fait pour aboutir au couloir
de la mort. C'est avec cet esprit qu'il a changé
la vie d'autres individus qui pourrissent vivants dans le
cimetière du système. «Je sais que ce
n'est pas facile jeunot», disait-il. «Mais personne
n'a jamais dit que la vie était facile. Prends le
jour comme il vient et tant que tu verras briller une lueur
au bout du chemin, laisse-toi guider par cette force»,
telles ont été les dernières paroles
qu'il m'a adressées, les larmes aux yeux, alors qu'il
faisait ses derniers adieux. Je n'ose pas expliquer ce que
cela signifie pour moi, car j'imagine qu'il me l'a dit pour
que je trouve ma propre force, qui me soutient depuis des
années et probablement pour des années encore.
Je n'ai jamais renoncé aux principes ou aux choses
auxquels je tiens le plus dans la vie - comme ma famille
- ni au fait que, quand demain frappera réellement
à la porte, je trouverai l'amour et le paradis.
Nanon Williams a été condamné à
mort par l'État du Texas à l'âge de
17 ans pour meurtre au premier degré. Il nie les
faits qui lui sont reprochés et vient de passer neuf
années dans le couloir de la mort. www.ccadp.org.
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